Le Dernier Crépuscule
Chthe'ilist
Nos sens se sont rapidement mis en alerte quand on a vu les mots « Canada », « death-metal technique » et « Profound Lore » associés au single du premier album de Chthe’ilist. Outre la référence presqu’absurde aux travaux de Lovecraft, on a très vite senti en entendant « Voidspawn » que ce groupe allait probablement devenir notre obsession metal de ce début d’année. Et après une vingtaine d’écoutes, on est en droit de le confirmer : Le Dernier Crépuscule tabasse des gerboises.
Et pourtant, c’était loin d’être gagné. La faute à un death-metal d’obédience technique qui a souvent été son principal (et seul) ennemi, surjouant la caution intello jusqu’à devenir un mauvais pastiche. Trop de technicité coupe les jambes à ce genre de musique, alors que le death est taillé à la base pour réveiller le Kraken dans ton bas-ventre, piller mentalement des villages et en violer les prisonniers comme un Cymérien alpha. Si bien que bon nombre de formations du genre ont tendance à nous faire doucement marrer. Et personne ne devrait jamais rire une fois en face-à-face avec la Bête du Gévaudan.
Ici, on est loin du compte. La technique est omniprésente, mais va dans le sens de relances rythmiques complètement furieuses, on duplique les riffs en leur laissant toute la place pour mettre des coups de masse cloutée dans le crâne des opposants. On se rappelle l’incroyable Nespithe de Demilich ou les premiers Pestilence, soit un âge d’or où le death technique ne prêtait pas à rire, malgré l’absence de prise au sérieux ; plus récemment on pense au dernier Artificial Brain (également sur Profound Lore) pour l’attitude globale et le travail de modulation sur certaines voix.
Pourtant, Chthe’ilist ne se résume pas à une charge de cavalerie grossière. La technique ici est aussi une affaire d’atmosphère, d’univers sonore, et il n’est pas rare de voir la brutalité paillarde faire place à des moments mid-tempo du meilleur effet ou à des claviers symphoniques, sans compter les soli quasiment thrash (aigus et multipliant les roller coasters) joués au ralenti. On a même droit à de la basse jouée slap, c'est dire. Tout ça est absolument épique, coloré, avec une profondeur insoupçonnée. Et dire qu’il s’agit là d’un premier album. C’est ce qu’on appelle une démonstration de force.