Laurel Hell
Mitski
L'indie rock n'a pas dans son ADN la volonté permanente de se réinventer. Citer le style, c'est définir les contours d'un univers réconfortant dans lequel on se rend parce qu'on sait exactement ce qu'on vient chercher. Pour autant, tout n'est pas qu'une soupe sans saveur et, si tout le monde semble jouer avec les mêmes éléments, l'aboutissement est fort heureusement multifacette. À titre d'exemple, la lecture de l'indie rock par Mitski sur Laurel Hell donne un résultat élégant aux relents pop 80's, là où Big Thief en donne une vision folk sur Dragon New Warm Mountain I Believe In You. Les deux groupes sont pourtant hébergés sous la même étiquette. On pourrait continuer longtemps et citer des dizaines d'exemples, mais on pense que vous avez compris notre propos.
L'intérêt de cette introduction, c'est surtout de pointer qu'hormis pour certains styles de musique obliques, l'innovation pure n'existe plus vraiment. Tout semble découler d'emprunts, de réarrangements, de regroupements – ce qui n'est absolument pas une mauvaise chose, puisque si toutes les pièces du puzzle sont sur la table, il n'y absolument aucune raison d'en chercher d'autres. Dans cette optique, les groupes qui se démarquent sont forcément ceux qui agencent le mieux ces pièces pour en proposer une nouvelle lecture. En toute logique, si vous suivez notre raisonnement, vous aurez compris que Laurel Hell n'est pas un album révolutionnaire mais qu'il constitue un parfait exemple de concision.
L'énergie pêchue de Be The Cowboy a fait la place à un univers délicat et langoureux. L'enchaînement "Valentine, Texas", "Working For The Knife" donne le ton et on comprend que ce dernier album de Mitski est à rapprocher de la théâtralité que Weyes Blood a produit sur l'excellent Titanic Rising. "Stay Soft" ouvre la porte à autre chose, une influence 80's forcément marquée par l'utilisation des synthés et des boîtes à rythmes. Le résultat est étonnement bon, un peu comme si on avait demandé à Lucy Dacus et Phoebe Bridgers de chanter sur des morceaux composés par Alex Cameron. La suite de l'album naviguera entre ces différentes ambiances avec de franches réussites, "Heat Lightning" et "I Guess" dans un style plus calme, "Should've Been Me" et "Love Me More" pour le rythme, mais aussi avec des moments où Mitski rate le coche ("Everyone").
La patte de Mitski est difficile à situer sur ce dernier album tant Laurel Hell nous évoque d'autres artistes. Qu'on soit bien clair, cela n'a rien de désagréable et qui plus est, ce constat nous permet même de boucler la boucle de cet article puisque même si elles sont nouvelles, les 32 minutes qui constituent l'album donnent à entendre 11 morceaux qu'on a vaguement l'impression de connaître. Ce qui pour conclure nous amène à penser que s'il est original dans la discographie de l'artiste, cet album ne l'est peut-être pas tant que ça à une plus grande échelle. Ce n'est probablement pas l'album que l'on retiendra de la compositrice nippo-américaine, mais c'est certainement un album vers lequel on reviendra pour son côté agréablement facile.