L'Arme de Paix
Oxmo Puccino
Rares sont les artistes hip hop à avoir réussi à obtenir l'attention et la bienveillance du grand public. Parmi ceux-ci, il est encore plus rare d'en trouver qui ne se soient pas vendus d'une façon ou d'une autre. En effet, il n'y en a qu'un et il s'appelle Oxmo Puccino. On avait laissé le rempart malien dans sa tenue de Black Popeye lors de la sortie du sublime Lipopette Bar en 2007. Un album conceptuel en hommage à Billie Holiday (sorti sur Blue Note) que Ox avait enregistré avec un band de jazz, succès d'estime et commercial à la clé. Deux ans plus tard, il revient avec ce nouveau projet fort attendu par une communauté de fans toujours grandissante.
L'attente autour de ce cinquième opus était importante. Oxmo a savamment orchestré le buzz avec les sorties rapides des efficaces "Masterciel" et "365 Jours" (le premier véritable single). Exit les Jazzbastards cette fois-ci, l'imposant Oxmo semble être revenu vers une formule plus classique, du moins en ce qui le concerne. La première écoute indique rapidement le retour à cette musicalité fine, singulière et sensible de l'auteur de L'Amour Est Mort
Des chansons comme l'entêtant "Soleil Du Nord" ou le sublime morceau titre (avec un K'naan sobre et pertinent au refrain) dévoilent une certaine maîtrise de Monsieur Puccino. On retrouve cette faculté toujours étonnante à composer des instrus parfaitement ciselées, n'hésitant pas à revendiquer des influences venant de styles rarement fréquentés par le commun des rappeurs. Si beaucoup citent Brassens ou Brel pour le style ou simplement parce que tout le monde le fait, ce n'est pas le cas d'Oxmo qui semble parfois marcher sur les pas du grand Jacques.
Au paroxysme de cette impression, on trouve "Sur La Route d'Amsterdam". La démarche est logique mais le résultat est malheureusement loupé. Le bât blesse au niveau du chant où Oxmo sort de ses standards et abandonne son flow volubile et charismatique pour tenter de chantonner. Ajoutons à cela la participation à peu près insupportable d'Olivia Ruiz (pourtant parfois intéressante sur ses propres projets) et vous obtenez ici la seule véritable déception de cet album.
Au rang des satisfactions, évidemment, on retrouve la plume unique d'Oxmo. L'homme aime manier les mots, jongler avec pour en faire des textes aux fulgurances magiques, porteur de la sagesse salutaire de cet homme de lettres. C'est profond, philosophique, parfois compliqué et souvent génial.
Bref, vous l'aurez compris, tout n'est pas parfait mais l'impression globale de cette Arme de Paix est très positive: si on ne retrouve pas l'enthousiasme et l'originalité de Lipopette Bar, le rappeur malien renoue ici avec le style qui a fait sa gloire. Armé de ses talents de producteur et de son flow au charisme hors norme porteur de textes brillants, Oxmo Puccino nous livre un album à la maîtrise admirable qui prouve une fois de plus qu'il est, dans le hip hop français, tout seul au sommet. Voila qui explique en partie pourquoi il est parrainé par France Inter et qu'il ne passe plus sur Skyrock depuis au moins 2002 (et le tube fastoche "Avoir Des Potes"). Ce n'est peut-être pas plus mal.