La Saignée
ZÉRO ABSOLU

La guerre des groupes de musique a toujours été un de mes trucs préférés. Qu’il s’agisse de procès à la con, des bagarres entre membres passés et présents ou de dissensions sur des broutilles, je suis toujours au premier rang. C’est probablement pour ça que j’aime autant le metal également. Cette fois c’est Glaciation qui fait les frais de sombres mesquineries. Autrefois membre du groupe en remplacement de Valnoir, RMS Hreidmarr a foutu le souk dans sa formation – apparemment à cause de son penchant pour la picole, entre autres – et s’est fait virer manu militari. Sauf que Hreidmarr, il s’en bat les steaks et il convoque dans la foulée des inconnus pour remonter le groupe à sa sauce, en s’assurant bien évidemment de déposer le nom Glaciation. Derrière commence une bagarre dans laquelle les anciens membres ne peuvent pas espérer grand-chose. Tant et si bien qu’après deux albums sous le nom originel, Glaciation devient ZÉRO ABSOLU, et signe avec AOP Records dans la foulée.
Un faux nouveau projet donc, qui ne devrait pas nous faire oublier que Glaciation était avant tout une sorte de super-groupe qui incluait des membres de Regarde Les Hommes Tomber et Alcest. Une partie de la crème black metal indé française qui se retrouve entre deux projets sous un alias qui sent bon le camembert, le satanisme chic et la violence mesurée. Deux titres pour trente-quatre minutes de marche en avant black, règlements de comptes compris. Il y a déjà ce charme à la française. Dans la voix tout d’abord, La Saignée nous rappelle à quel point il est bon de s’envoyer des horreurs chantées dans la langue de Maître Gims. Évidemment, le Hreidmarr en prend pour son grade, se faisant allègrement traiter de pelure d’étron. Mais c’est surtout dans le grattement de gorge, dans cette souffrance punk bien à la française qu’on prend tout notre plaisir. Surtout quand c’est monté sur un mélange de pagan black metal atmosphérique, évidemment. Esthétiquement, on évite ici le côté crasseux et indigent des légendaires Légions Noires mais on va plutôt vers quelque chose de lisible, soigné et de prenant émotionnellement. Un satanisme en apparence plutôt propre et mélodique qui les ferait tirer vers ce qu’on a tendance d’appeler connement le blackgaze.
Certains nous diront que les incursions d’extraits parlés sont extrêmement cinématographiques mais cassent la violence des séquences. Ici, on préfère voir un romantisme bizarrement branlé mais sincère. Mais cela n'empêche pas l'ensemble d'être mené tambour battant, avec une classe naturelle. On sent bien que ZÉRO ABSOLU ne sait pas faire autrement que d’amener de l’émotion par camions dans son écriture. Et quand ça marche, c’est du très solide qui nous est proposé. On regrettera sans doute l’absence d’un troisième titre d'une longueur similaire aux deux premiers (20 et 13 minutes respectivement) ou la redondance de séquences extra-musicales censées chapitrer l'écriture, mais cela n'empêche pas La Saignée d'être un disque atypique qui signe le retour aux avant-postes d’un groupe qu’on ne peut qu’aimer. Nique Glaciation, vive ZÉRO ABSOLU.