La Marche de l'Empereur
Emilie Simon
"Oh mon Amour / Mon âme sœur / Je compte les jours / Je compte les heures…". Et nous aussi, nous avons compté, très chère Emilie. Deux ans. C’est exactement le temps qui sépare la sortie de ton premier album éponyme de la bande originale de l'excellent film La Marche de l’Empereur, réalisé par Luc Jacquet, que tu as entièrement composée et interprétée.
Deux ans, c’est long, très long même, surtout quand on aime bien ce que tu fais. Heureusement, notre patience est largement récompensée avec cette bande originale parfaitement maîtrisée et réussie, que j’aurais néanmoins quelque scrupule à considérer comme un véritable album, plutôt comme un prolongement de ton premier LP, dont il partage d’ailleurs non seulement la veine electro poétique, la philosophie, mais également un morceau dans une version remaniée pour l’occasion ("To the Dancers in the Rain", qui devient, non sans humour, "To the Dancers on the Ice").
Comme tu l’expliques si bien dans le DVD bonus offert avec le disque, chère Emilie, tu poursuivais ton travail d’expérimentation sonore sur des bruits « froids », comme la glace ou la neige, quand tu as rencontré Luc Jacquet, qui, lui, revenait de l’Antarctique avec un documentaire sur les manchots sous le bras (bras, manchots, humour). La rencontre est fortuite et belle. D’un pur travail de commande, tu as réalisé une œuvre éminemment personnelle, qui naturellement porte ton empreinte de la plus belle manière qui soit.
Logiquement, cette bande originale est composée principalement de morceaux instrumentaux, subtils, glaciaux et beaux, parfois ornés de tes murmures. A ma grande surprise, chacune de ces pistes existe indépendamment des images qu'elle est censée accompagner. A ce titre, je retiendrai principalement "The Voyage", pour ses cordes, et "Antartic" pour tes cordes (vocales).
Surtout, cette bande originale convainc définitivement grâce à ses chansons sublimes : "Frozen World", qui ouvre le disque, et qui nous permet de nous replonger dans ton monde, ces sons de glace et de neige triturés jusqu’à l’extrême pour devenir rythmiques, cette voix sublime ; "Song of the Sea", qui donne des frissons ; "All is White", très björkienne pour le coup (et pourtant je déteste cette comparaison) ; et surtout "Song of the Storm", sans doute le meilleur morceau que tu aies jamais écrit, rythmé, sauvage, qu’on dirait presque sortie de l'esprit tortueux de Trent Reznor, avec cette voix rauque trafiquée qui te va à merveille. Un sommet. De même que "Ice Girl", que tu avais composée à l'origine pour ton second album, et qu'on retrouvera donc peut-être bientôt dans ton nouveau projet.
Comment finir sans parler de la pochette… ? Adieu les coccinelles, bonjour les manchots, j’espère juste que tu n’as pas eu trop froid, nue dans la neige… Bien à toi.