La Dictature
MZ
Les sales gosses de la MZ en ont gros sur la patate. Et pour cause : leur premier album en major l'an dernier, Affaire De Famille, a fait un four retentissant. Alors qu'on leur promettait de marcher sur l'eau, l'accueil critique a été glacial pour un produit fini incapable de concurrencer les performances d'une année rap français qui restera dans les annales. Pas découragée pour autant, la troupe parisienne est restée fidèle à elle-même, soucieuse de garder son rythme d'un projet par an. Elle s'est donc enfermée en studio histoire de corriger le tir. L'effort a payé : quand La Dictature sort, c'est presque un an jour pour jour après son aîné. Et croyez-nous, il est assurément plus marquant.
Une écoute suffit pour comprendre que la page Affaire de Famille est tournée : le chemin accompli en douze mois est impressionnant. Le groupe a développé sa science du refrain, l'écriture s'est affinée et le charisme et l'arrogance au micro n'ont jamais été aussi contagieux. Difficile de ne pas attribuer tout le mérite à Jok'Air, vu l'aisance avec laquelle sa prose nonchalante se balade sur tous les titres du disque. Mais force est d'admettre que Hache-P et Dehmo ont clairement redoublé d'inventivité pour se mettre au niveau de leur collègue. Si bien que toute cette saine émulation permet à La Dictature d'être un disque résolument tout terrain, porté par la complémentarité des trois bonshommes.
Régulièrement, la troupe évolue dans un état de grâce et propose un bien meilleur dosage des différents ingrédients. Une maîtrise totale de la recette qui leur permet de faire preuve d'une grande versatilité : ils ne se refusent pas de jouer les canards ou de sampler Yelle et Lana Del Rey, mais sans jamais oublier de cocher la case bangers. Ainsi, sur beaucoup d'aspects, La Dictature est sans doute aucun la plus noble entreprise du groupe. Et celle qui reflète le mieux leur personnalité et leurs ambitions de rockstars.
Il n'y a guère que le manque de structure et de tri pour gâcher un peu la fête. Alors certes, ça peut paraître anachronique en 2016 que de demander à un album d'avoir un début, un milieu, et une fin. Mais voilà : si La Dictature a son quota de tubes (à commencer par l'inévitable "Les princes" avec un Nekfeu en état de grâce), il lui manque un fil rouge. Celui-là même qui permettrait au groupe de propager sa bonne parole bien au-delà de la génération Snapchat.
À défaut d'être le braquage parfait dont la MZ rêve en secret, La Dictature est au moins une vraie bonne surprise. Le disque aligne trop de bons arguments pour lui imaginer la même destinée que son aîné : toute l'unicité du groupe est ici cristallisé dans une mixture moins brouillonne et surtout beaucoup plus tubesque. Maintenant, y'a plus qu'à attendre douze mois que la MZ revienne avec, on l'espère, un vrai game changer. Car ils en ont clairement le potentiel.