Knock Knock
DJ Koze
Il est rare, DJ Koze. Bien trop rare, même. La dernière fois qu'on parlait de lui, c'était pour dire tout le bien qu'on pensait de ses qualités de remixeur sur le second volume de Reincarnations. Un disque parfait pour entrer dans un automne à la Calvin & Hobbes, ce qui en dit long sur talent de l'homme pour emmener certains titres plus haut encore que leurs versions originales. Pour son retour aux affaires pourtant, Stefan Kozalla n'a pas laissé son cœur sous les feuilles mortes. On peut même dire qu'il anticipe sur le réchauffement climatique car Knock Knock, son cinquième disque, est un album résolument solaire et psychédélique. Un effort bien représenté par "Pick Up", la petite bombe de house fiévreuse et de nostalgique qui a servi à annoncer l'album, et qui se montre encore plus excitante lorsqu'elle étend sa boucle arrachée à Melba Moore sur plus de dix minutes.
En tout cas, comme sur son précédent effort, Koze a su faire fonctionner le carnet d'adresses. Parmi les invités prestigieux de cette nouvelle fournée, Mano Le Tough, José Gonzàlez, Bon Iver ou Róisín Murphy tiennent le haut du pavé, et rappellent les castings surprenants mais toujours efficaces des disques des Chemical Brothers - d'ailleurs, on ne pourrait considérer la collab' avec José Gonzàlez autrement que comme un clin d'œil au "Asleep From Day" des Mancuniens. Une façon pour lui de se faire connaître auprès d'un public curieux de savoir ce que leur artiste préféré est venu foutre chez un gars plutôt connu pour faire danser les gens.
Pourtant, malgré les beaux noms du tracklisting, Knock Knock demeure un disque exigent. Fidèle à sa réputation, Koze opte une nouvelle foi pour une production étincelante, optimiste, spatiale même par moments. Elle s'amuse à jongler avec une pluralité de champs lexicaux propre à divers genres, et à diverses façons de manipuler la matière sonore pour la transformer en quelque chose d'euphorisant. Difficile alors de ne pas penser à The Avalanches, aux samples acidulés qui parsèment Since I Left You, et à la vibration profondément positive qui émane de ce disque. Une impression d'ailleurs renforcée par le fait que Knock Knock est peut-être l'album le plus hip hop en date du boss de Pampa Records, renvoyant sur "Baby (How Much I LFO You)" ou "Lord Knows" aux beat tapes de Teebs, Odd Nosdam, et d'autres chantres du hip-hop instrumental qui nous fascinaient à la grande époque de Brainfeeder ou Anticon.
S'il pêche par moments par excès d'apesanteur, Knock Knock est un ouvrage apaisé, planant, que de menus égarements ne parviennent pas à plomber: la couleur globale de l'album est trop affirmée pour que l'on perde le fil. Avec ses textures droguées, ses bégaiements de machines et ses samples torturés, DJ Koze continue de graviter quelque part entre deep house, le space rock et l'abstract hip-hop, seul dans sa constellation. Et si l'on est jamais certains de savoir où il nous emmène, les voyages sont bien trop précieux pour que l'on boude notre plaisir. La preuve, c'est que Knock Knock a la tronche de ses disques qu'on se plait à jouer jusqu'à l'écœurement tout au long de l'été, dans la lignée des deux compilations Waves de Crydamoure ou des sorties de Studio Barnhus. C'est sûr: avec DJ Koze, même si l'été n'est pas chaud, on a la garantie qu'il sera beau.