King Of The Mischievous South Vol. 2

Denzel Curry

PH Recordings – 2024
par Émile, le 26 juillet 2024
7

Il y a deux ans, Denzel Curry offrait son projet le plus abouti, le plus intéressant, celui qui, comme l’avait bien analysé mon camarade, était un peu son To Pimp A Butterfly. Passé dans une nouvelle catégorie, le Floridien pouvait se lancer vers une discographie profonde, étonnante et expérimentale. Sauf que... pas du tout. Après deux ans de tournée, de featurings, et (on l’espère) un peu de repos, ce n’est pas avec un album-concept qu’il revient, mais bien avec une mixtape. Un retour aux sources sans chichis, pas révolutionnaire pour un sou, mais absolument maîtrisé.

Même sans fil directeur éclairant les différentes pistes de King Of The Mischievous South Vol. 2, la vibe esthétique est plus que claire : la mixtape est un hommage appuyé à un certain rap old school, à la culture des débuts de la trap et à des crews comme la Three6Mafia. Toute une foule de producteurs·rices se succèdent sur le disque, mais les anciens relents de lourds sons du sud en font toute l’identité et l’unité. Ce retour vers les origines se fait aussi à un niveau personnel, puisque King Of The Mischievous South (volume 1 donc) était tout simplement la première sortie de Denzel Curry, en 2012. À l’époque, il a 17 ans, doit digger du son de Memphis et de Houston toute la journée, et développe déjà une esthétique bien à lui – s/o à cette pochette extraordinaire entre l’ado gothique et le vaporwave, bien dans son époque. On y croisait déjà, en moins bien, les gros synthés présents sur le très bon « SKED ».

Pourtant, tout n’est pas que regard dans le rétro dans King Of The Mischievous South Vol. 2 : on pense à l’un des tout premiers morceaux, « ULTRA SHXT », qui se fait l’écho d’un cloud rap mélodique extrêmement mature. Même chose pour ces petites interludes, tantôt jazzy, tantôt minimalistes, qui sont plutôt la marque d’un type qui a beaucoup navigué musicalement ces dernières années. Quant à « COLE PIMP », c’est un titre qui aurait carrément pu figurer sur Melt My Eyez See Your Future.

Et si Denzel Curry est vraiment le roi du Sud espiègle, c’est surtout qu’il a une cour bien remplie. On l’avait déjà vu peu avare sur les featurings dans ses albums, et on trouvait sur le précédent Robert Glasper, slowthai ou Rico Nasty. Ici, ce sont plus de quinze artistes qui se succèdent, et il n’y a pour ainsi dire que du très lourd : Armani White, Ty Dolla $ign, A$AP Rocky, TiaCorine, etc. Ça va cliquer très sévèrement vu la popularité de tout ce beau monde, si bien que la tape, derrière son aspect un peu old school et DIY, pourrait en fait rapidement être considérée comme un bon gros all-star game.

Surtout, en répartissant la charge de travail, tout le monde se permet de kicker avec force, bien soutenu par des prods qui mettent dans les chaussons. Oui, Ski Mask The Slump God est en forme, mais sur une instru comme celle de « HIT THE FLOOR », difficile de passer pour un manche. C’est bien simple : si vous cherchiez une bonne raison de vous rabibocher avec le rap US, ou d’avoir une dose pas déconnante de trente-cinq minutes d’un hip-hop parfaitement balancé entre le classique et le moderne, ce sera peut-être bien votre album de l’été.

Le goût des autres :