Keep You Close
dEUS
C’est l’éternelle question : que seraient devenu les Beatles si John Lennon n’avait pas été assassiné le 8 décembre 1980 ? D’aucuns avancent qu’ils pourraient fort ressembler aux Rolling Stones de 2011, soit une bande de papys qui jouent leurs classiques dans des stades contre un prix prohibitif. Et qui surtout renvoient aux plus jeunes générations l’image d’un groupe qui n’a rien de sulfureux ou génial. Certes, les Anversois de dEUS n’ont jamais été les Beatles ou les Stones. Par contre, en matière de décrépitude, ils commencent à en connaître un rayon, et leur nouvel album est l’exemple le plus criant de ce processus de vieillissement pas vraiment agréable à subir et/ou observer. En effet, depuis Pocket Revolution en 2005, on sent poindre année après année les signes d’une grosse fatigue qui se traduit par des disques de moins en moins audacieux et de plus en plus chiants.
Les causes sont évidemment multiples, mais la principale réside peut-être dans le fait qu’aujourd’hui, l'entité dEUS semble se résumer à la seule personne de Tom Barman – et que pris individuellement, le type n’est peut-être pas le génie que l’on présente en Belgique. En effet, du line up originel, hormis l’autoritaire leader, il ne reste plus que le violoniste Klaas Janzoons, pas vraiment connu pour ses talents de songwriter. Et il ne fait aucun doute que l’influence de gens comme Rudy Trouvé, Stef Kamil Carlens, Craig Ward ou Danny Mommens sur le « son dEUS » a été non négligeable et que leur absence se fait aujourd’hui plus sentir que jamais. Pourtant, on pensait que l’arrivée de l’über-classieux Mauro Pawlowski aurait des conséquences positives, mais elles peinent à se faire entendre sur disque. Lui qui sait se montrer si anticonformiste dans ses nombreux projets parallèles se complait avec dEUS dans un rock d’une banalité confondante.
Alors forcément, Keep You Close n’est que le triste reflet des deux paragraphes qui précèdent : complètement phagocyté par un Tom Barman qui a visiblement bouffé pas mal de soul ces derniers temps, le sixième album des Flamands se traîne comme une âme en peine pendant une quarantaine de minutes sans s’autoriser le moindre coup d’éclat ou la moindre prise de risque. Cette banalité affligeante a de quoi déprimer, surtout venant d’un groupe qui nous avait emballé avec des titres que l’on comparait alors à Frank Zappa, Tom Waits ou Captain Beefheart. Aujourd’hui, dEUS se transforme lentement mais sûrement en une version belge des Rolling Stones, soit un groupe qu’il faudra payer bien cher pour entendre jouer ses tubes d’antan, le tout entrecoupé de nouveaux morceaux dont on n'aura pas grand chose à foutre…