JUNGLE DES ILLUSIONS Vol. 2
Jungle Jack
On dénonce souvent - et rarement à tort - l’absence de portée politique dans le rap d'aujourd’hui. Ce qu’on encense moins par contre, c’est la valeur divertissante produite par quelques-uns de nos meilleurs rappeurs : si les artifices à coups de toplines et d’autotune empêchent souvent de prendre le pouls du genre, on trouve encore de grands artisans du verbe qui utilisent leur art pour donner vie à un personnage ou pour le simple plaisir de placer une belle rime. À ce petit jeu, chacun joue sa propre carte : le bon vivant (Caba), le cinéphile (Sameer Ahmad), le mec de cité repenti (Limsa d'Aulnay), le crooner (Tuerie)... les personnages se suivent mais se ressemblent finalement peu.
Dans cette ligue des gentlemen singuliers, on pense aussi à Jungle Jack, qui s’était illustré trois ans plus tôt avec le mystérieux JUNGLE DES ILLUSIONS Vol. 1. Un opus concis et chirurgical, sur lequel le bougre concentrait tout ce qu’on voulait entendre dans le rap français. Dans le grinder, c’est un improbable mélange entre Freeze Corleone (pour le phrasé nasillard) et JeanJass (pour le côté épicurien) qui s’effritait sous nos yeux ébahis. Jusqu’alors cantonné à une poignée de freestyles sous l’alias Jack Furaxx, ce premier effort du Montreuillois laissait exploser une personnalité dingue qui donnait un aperçu du formidable potentiel d'un artiste à la maîtrise du verbe colossale.
Mais Jungle Jack ne veut plus d'un succès d'estime : JUNGLE DES ILLUSIONS Vol.2 arrive avec dans sa besace trois featurings qui vont lui permettre d’entrer dans le radar de ceux qui ignoraient son existence. Alpha Wann, Mairo et Souffrance sont en effet venus souffler sur les braises encore chaudes du premier volume, histoire d’offrir un peu de visibilité au rappeur, mais aussi pour le plaisir de compter parmi les collaborateurs de ce technicien haut en couleur. Malgré la présence de ces trois poids lourds au casting, Jack le magnifique ne se dégonfle pas, et creuse un peu plus son sillon en apportant davantage d’épaisseur à son personnage : ici encore, tout refrain est évacué pour lui permettre le dialogue le plus direct entre lui et sa prod. Carnassier mais bienveillant, courtois mais taquin, Jungle Jack déploie une énergie et une générosité débordantes. Et si l’égotrip n’est jamais bien loin, on retient davantage l’espèce de motivation suprême qui déborde de cette autobiographie rythmée comme le Grünt freestyle d’un type qui crève d’envie de se (la) raconter avec beaucoup de style derrière un micro.
Peut-on reprocher quoique ce soit à JUNGLE DES ILLUSIONS Vol. 2 au juste ? Peut-être de manquer parfois de finesse dans l'exécution (on appelle ça l’artisanat les amis), ou une légère redondance dans les sujets traités. Qu’importe : avec ce nouvel effort, Jungle Jack s'approche souvent de la perfection et justifie sans trop de mal les trois années qui séparent les deux volumes. Divertissant son public avec un talent et une gouaille uniques, cette plume insolente envoie un message clair à la concurrence : il va falloir désormais composer avec lui.