July

Marissa Nadler

Sacred Bones Records – 2014
par Michael, le 12 mars 2014
7

Si on passait trop vite à côté de Marissa Nadler, on pourrait rapidement la cataloguer comme un énième clone fadasse de la sainte paire Chan Marshall/Hope Sandoval. Autrement dit, encore une miauleuse. Comme si on n’en bouffait pas déjà au kilomètre depuis la découverte de The Greatest par les bobos et les hipsters de bas étage.

Qu’est-ce qui différencie donc cette belle brune de toutes ses consœurs ? Tout d’abord un goût certain pour la noirceur et des thématiques peut-être plus profondes que la grande majorité de la concurrence. Un attrait qui vire quelque peu maladivement au grattage de croûtes. C’est ce qui fait sans doute aussi le principal défaut de la demoiselle : une forte tendance au narcissisme (avec sa cohorte de sentiments malsains et masochistes) qui se retrouve notamment dans des orchestrations vocales parfois un peu abusives et superflues. Un jeu de miroirs qui, dans le meilleur des cas, fait penser à la Sharon Van Etten de Tramp et, dans ses mauvais moments, à un kouglof un peu sec. Il est d’ailleurs amusant de relever cette note sur la page (française) de Wikipédia de la chanteuse : « Marissa Nadler aime beaucoup se prendre en photo », qui résume parfaitement une certaine facette du personnage. On sera toutefois gré à la jeune américaine de ne pas abuser de ses capacités vocales et de toujours rester sur la retenue, ce qui montre qu’elle a un sens certain du placement et surtout, une conscience aiguë du point de basculement vers l’ostentatoire et le démonstratif, le pêché mignon des chanteurs et chanteuses « à voix », qui confondent trop souvent performance vocale et juste interprétation.

L’autre grande qualité de cet album réside dans les choix de production. On devine Randall Dunn (de la folle troupe des Master Musicians of Bukkake), habitué des productions qui portent attention aux détails et aux ambiances (SunnO))), Wolves In The Throne Room, Earth, Eyvind Kang, notamment), là où certains privilégieraient par facilité le rouleau compresseur. Tout ici semble flotter en apesanteur, comme enveloppé dans un voile cotonneux (« 1923 »). Même les sections de cordes, que l’on se plaît souvent à faire sonner de manière brute et organique, sont ici retraitées et confèrent au paysage sonore une puissance onirique qui vient idéalement se placer à l’opposé du jeu de guitare très simplement rendu. Au milieu vient se placer la voix de Marissa Nadler, qui ondule, vibre et plane dans une douceur vénéneuse. Ecoutez un peu « Firecrackers » ou « Nothing In My Heart », ballades malades que l’on croirait tout droit sorties d’un jukebox des années 50: elles sont faites de l’essence des classiques.