Judy Sucks Lemon For Breakfast
Cornershop
CD de la semaine pour le Guardian et le Times, « majestueux » selon Uncut et « pop par excellence » à en croire Mojo. Dans un tel cas de figure, que dire si ce n'est que « la presse est unanime ». Pourtant, on sait combien il est difficile de convaincre après un long hiatus, et notamment lorsque l'on s'appelle Tjinder Singh, que l’on est l’âme de Cornershop, ce groupe anglais qui a marqué les années 90 de son empreinte par l’entremise du lumineux album When I Was Born For The 7th Time et de son imparable single « Brimful of Asha », dont le remix maousse costaud façonné par Fatboy Slim a été playlisté jusqu’à l’écœurement pendant une bonne partie de l’an de grâce 1998.
Dix années se sont écoulées, un album est passé par là (Handcream For A Generation, passé complètement inaperçu en 2002 malgré l’excellent single « Lessons Learned From Rocky I to Rocky III ») et c’est sur la pointe des pieds que revient le songwriter facétieux de Leicester. Trop vite taxée de « one hit wonder » par les plus paresseux, la formation anglaise n’a jamais été en mesure de confirmer tout son potentiel à un public qui a préféré passer à autre chose. Pourtant, ce serait oublier que Cornershop figure parmi les rares artistes capables d’associer la culture indienne au meilleur du rock britannique, en agrémentant le tout d’une bonne dose de soul, et ce sans jamais verser dans une soupe world qui flaire le fric facile. Et Judy Sucks Lemon For Breakfast est là pour à nouveau en témoigner.
Avec ses douze titres alliant classicisme et pluriculturalité, Tjinder Singh et ses ouailles passent en revue quelques-unes des plus belles pages du rock, celles-là même qu’ont noirci T-Rex, les Rolling Stones, Paul McCartney ou les Kinks, et les relevant à la sauce Cornershop pour un résultat qui, s’il reste relativement sobre dans la forme, dégage un groove indéniable. Visiblement très attaché aux traditions, qu’elles soient britanniques ou indiennes, le groupe enchaîne les morceaux réussis, dont certains n’ont rien à envier à « Brimful of Asha » ou « Sleep on the Left Side » en termes de potentiel radiophonique (« The Roll Off Characteristics (of History in the Making) » et la reprise du « The Mighty Quinn » de Bob Dylan notamment), avant de clôturer ce sixième opus sur « The Turned On Truth (The Truth Is Turned On) », jam épique de dix-sept bonnes minutes gorgées d’incantations aux dieux de la soul.
Au final, pas très étonnant que le Times ou Mojo s’enflamment pour ce dernier album en date de Cornershop. En effet, ces prestigieuses publications sont plutôt connues pour défendre des artistes dont l’écriture et le talent sont certes établis, mais dont la prise de risques ne constitue pas forcément le point fort. Les compositions de Tjinder Singh remplissant sans forcer ces deux critères, il était bien normal que Judy Suck Lemon For Breakfast bénéficie de quelques honneurs bien mérités, y compris dans nos pages. Mais une chose est certaine : si c’est une musique aventureuse et sévèrement burnée que vous recherchez, passez votre chemin…