Joy As an Act of Resistance
Idles
Le deuxième album. Celui du doute, de l’introspection maladive, du rebattage de cartes après un succès inattendu. Celui de la confirmation exigée par le nouveau fan aux aguets et avec elle, l’angoisse et on imagine, ses inconvenantes suées nocturnes. Fuck that shit. À peine plus d’un an après Brutalism, les punks d'Idles viennent d'accoucher d'une bombe à fragmentation et ne s’en rendent probablement pas compte. Si Brutalism était déjà une bienveillante frappe dans la nuque, son successeur enfonce le clou avec une massue.
Joy As an Act of Resistance expose exactement tout ce que son titre promet… en ne se frottant qu’à des sujets casse-gueule. Résister contre la dépendance, l’absurdité du Brexit, la douleur causée par la perte d’un enfant, les ravages d’une virilité mal placée, l’animosité envers les immigrés, la bêtise ambiante de manière générale. Résister avec panache, des bisous et des circle pits.
Idles, c’est tout le système immunitaire qui tente de combattre l’infection inoculée par les trolls en tous genres. Sans simplisme ni naïveté. Ce qui pourrait facilement résonner comme un discours de Miss France un peu irritée chez beaucoup d’autres (« La guerre, c’est mal. Le racisme, ça pue. ») est impeccablement emballé dans l’écriture de Joe Talbot qui désamorce la critique avant qu’elle ne survienne (I'm lefty, I'm soft / I'm minimum wage job / I am a mongrel dog / I’m just another cog / I’m scum). Chaque ligne est taillée pour être répétée comme un mantra, conclure l’argumentation de ta prochaine présentation PowerPoint ou souligner une bonne histoire de fin de soirée. Les sentences de Talbot font dorénavant partie de ta vie quotidienne, l’équilibre offert entre le fond et la forme.
La forme, d’ailleurs. Avec la charge « Colossus » en introduction, on se demandait bien comment les Bristoliens allaient pouvoir soutenir le rythme. Crainte écartée avec le riff dantesque de « Never Fight a Man with a Perm » qui vient tamponner un texte acide à souhait (You are a Topshop tyrant / Even your haircut's violent… Que de la punchline, on vous dit). Le reste déroule tout ce qu’on attend d’une claque de punks warriors : un maître d’œuvre qui carbonise son micro, une batterie sans retenue, des citernes de transpiration et sans doute un nez qui commence à saigner là-bas dans le fond. Ce sont aussi des mélodies à l’efficacité quasi pop, comme un ultime cadeau à un public qui s’impatiente de pouvoir brailler des « yeah ! » lors de leur tournée automnale.
Idles a désormais une bonne longueur d’avance sur la concurrence. Sans doute parce qu’ils parviennent à maintenir la distance idéale entre les couilles et le cerveau, précisément là où se trouve le cœur.