#JeSuisPasséChezSo
Sofiane
L'histoire de la musique recèle d'espoirs avortés, de morts artistiques et de renaissances. Et le parcours du rappeur Sofiane est un cas d'école. Si son nom est sur toutes les lèvres aujourd'hui, celui que l'on présente comme le nouveau champion du peuple a déjà eu une première carrière bien remplie. Au tournant des années 2000/2010, il est un rookie aux dents longues, réputé pour ses qualités de bouffeur de micro et admiré pour son authenticité. Son acharnement aboutira d'ailleurs sur un single bien crossover, "Elle était belle" en 2012, censé lui ouvrir définitivement les portes des radios et des majors. Et puis, plus rien. Ou presque...
Car si dans ses textes le rappeur du Blanc-Mesnil incarne parfaitement la figure du "reubeu de cité", surexcité et dangereux, une main sur la marchandise, l'autre sur la crosse, il est en fait un entertainer avisé, bien conscient des réalités du business. Ne pouvant capitaliser sur la marque "Fianso" dans l'immédiat, il monte sa propre société d'édition, écrit pour d'autres artistes et "apprend son métier", comme il aime à le dire, aux côtés du producteur Tefa, entre autres. Dans l'ombre, Fianso patientait.
Il réapparaît au printemps dernier avec le premier épisode de la série de freestyles #JeSuisPasséChezSo, tournée dans la cité marseillaise de la Castellane (les mots "cité" et "Marseille" côté-à-côte devraient être suffisamment explicites mais au cas où : le genre d'endroit où l'on évité d'aller filmer un clip quand on n'est pas du coin). La première pierre de sa renaissance était posée. Si Sofiane ne parvenait pas à s'adapter au game, ce serait désormais au game de s'adapter à lui. La série connaît son point d'orgue avec l'épisode "93 empire", aux qualités cinématographiques douteuses, mais qui valait surtout pour son casting en forme de who's who du 93. La suite on la connaît : le deal avec Capitol, les interviews à la chaîne qui dévoilaient un personnage à l'opposé de ses raps, affable, engagé et rassembleur.
Ainsi, ce projet #JeSuisPasséChezSo vaut surtout pour le fait qu'il vient sceller sur disque l'incroyable run de ces derniers mois. Le visionnage des 14 épisodes et la mythologie qui les entoure (les "émeutes" aux Mureaux durant le tournage de l'épisode 13, les yeux doux de Sprite) ont en fait plus de valeur que les 14 pistes disséminés ici. Plus proche de la mixtape que de l'album, on y découvre le Blanc-meslinois faire ce qu'il fait de mieux : balancer des tranches de vie de rue, entre deals, violence et trahisons, dans un tourbillon d'énergie inhumaine et de formules chocs (au hasard : "on a mangé du pain dans du pain nous!"). Le succès de Fianso prouvait surtout que, dans le rap, le personnage, le discours et le sens du timing importaient parfois davantage que la musique. Mais n'était-ce pas finalement le cas dans toute l'histoire de la pop music ?