It's Better This Way

Big K.R.I.T.

Def Jam – 2015
par Tariq, le 1 décembre 2015
7

Chantre du country rap tunes (ce rap typique des campagnes du sud des Etats-Unis) depuis le remarqué K.R.I.T Wuz Here en 2010, Big K.R.I.T nous abreuve d'au moins un projet par an. Et si le travail est toujours soigné, la musique du rappeur-producteur du Mississippi suscite pourtant un sentiment ambivalent : on se sent particulièrement bien dans son univers soulful et délicat mais son manque de personnalité derrière le micro rend ses albums un poil inoffensifs. On stoppe alors l'écoute en jurant de ne plus jamais revenir à cet ersatz de Pimp C, et pourtant nous revoilà, un filet de bave au coin des lèvres, perdu au beau milieu de la coulée de miel concoctée par le sudiste. 

Alors que Cadillactica, son deuxième et dernier album en date, le voyait s'affranchir du rigorisme du southern rap pour aller explorer explorer des terrains plus pop, sur It's Better This Way, KRIT revient à ses fondamentaux. Les amateurs des mixtapes K.R.I.T. Wuz Here ou King Remember in The Time seront aux anges. Il faut juste passer sur les deux premiers morceaux de la tracklist pour entrer dans le vif du sujet. Et là c'est parti! En fait, Justin Scott n'est jamais meilleur que lorsqu'il revisite les canons du son dirty south. "Shakem Off", par exemple, sonne comme un bon vieux tube produit par Jazze Pha circa 2005-2006. La présence de Ludacris au troisième couplet renforce cette impression. "How Bout That Money" est une escale dans le Memphis de la fin des années 90 : la prod' et le hook convoquent le fantôme de Three 6 Mafia et Big K.R.I.T sort son plus beau costume de pimp sur cette ode à l'argent. Une fois de plus, il vise juste en invitant Young Dolph, digne héritier de Memphis et sorte de 2 Chainz de l'année 2015.  "No Static" est une pépite de chill' rap qui vous filera la banane sur le trajet du boulot. Et puis un morceau avec Warren G au refrain ne peut pas être foncièrement mauvais.

Mais le grand moment de IBTW, c'est "Piece On Chain". Sur une production finement ciselée, KRIT joue à passe-passe avec un sample de "World Keeps Going Around" de Bill Withers. Son rapping est alors au plus haut niveau et le morceau se transforme en rencontre au sommet entre deux générations d'artistes de ce Sud américain si prolifique artistiquement. Il faut vraiment entendre comment KRIT transforme le riff de guitare du morceau original en break d'avant-refrain pour comprendre la science du beat du producteur sudiste.   

Et à part ça? Pas grand chose et c'est bien le problème. "In The Darkness" voit KRIT s'essayer à une sorte de post-r'n'b sans grand intérêt et la parenthèse nu-soul de "Vanilla Sky" ressemble à ce qu'il tentait déjà sur Cadillactica, en moins bien. "Got Me Thru" vaut surtout pour la prestation assez incroyable de Delorean, qui nous rappelle que le Texan est l'un des newcomers les plus prometteurs en provenance de H-Town. Et on a toujours plaisir à entendre un refrain de l'excellent BJ The Chicago Kid (sur "Can Be Still"). Au long des quatorze titres (moins l'intro) que durent la tape, on s'emmerde parfois un peu. 

Mais ne boudons pas notre plaisir, It's Better This Way a quand même pas mal de moments agréables à offrir. Il ne faut juste pas attendre monts et merveilles du natif du Mississipi et se contenter de la carte postale de la Bible Belt que propose le MC à ses auditeurs. Et ce petit voyage suffit à contenter nos oreilles martyrisées par les kilomètres de mixtapes trap propulsées depuis la ville voisine d'Atlanta. Comme le dirait KRIT lui même : il vaut mieux le voir comme ça, it's better this way

Le goût des autres :
6 Ruben