Introverted Intuition
Lance Skiiiwalker
Top Dawg Entertainment aura connu son année la plus prolifique depuis sa création par Anthony "Top Dawg" Tiffith en 2004. Avec déjà trois LP à son actif – et deux autres prévus avant fin 2016 -, la maison-mère de Kendrick Lamar, ScHoolboy Q ou Isaiah Rashad est en plein essor et célèbre aujourd’hui la sortie du debut album de sa dernière recrue en date, Lance Skiiiwalker.
Discrètement actif depuis 2007 au sein du groupe The Rocketeers, Lance Howard de son vrai nom, se fait remarquer par les têtes chercheuses de TDE en proposant un mélange de soul abstraite et d'alt-R&B qu’on pourrait rapprocher de la discographie de SZA. En tout cas, pour oser un parallèle avec le collectif Odd Future, on suspecte Anthony Tiffith d’être à la recherche de son Frank Ocean, soit un gars capable de dégager la même aura mystérieuse et les mêmes ondes captivantes que l'auteur du magistral Blonde.
En lançant l’écoute d’Introverted Intuition, on se rend rapidement compte que les percussions, les synthés et le timbre de voix du natif de Chicago semblent se diriger vers une sorte d’abysse mystique. À l’image de l’obscur Blank Face LP de son confrère ScHoolboy Q, l’album de Lance Skiiiwalker nous plonge dans le monde sombre et étouffant d’un artiste torturé par les années de galère. Seuls quelques rares éclairs offrent un peu de lumière dans un disque sordide qui peinera sûrement à trouver son public de par son approche radicale.
Mais contrairement à Blonde, Introverted Intuition ne parvient pas à proposer un panel d’émotions suffisamment contrasté pour espérer atteindre l’impact du dernier Frank Ocean. Manquant de sobriété, Lance Skiiiwalker perd ainsi une grande partie du public lambda pour lequel son album demeurera une incompréhension totale, un micmac de sonorités improbables qui n’auront que peu de sens si l’on n’est pas prêt à embarquer dans un truc totalement abstrait- quoiqu'étrangement fascinant. Car, même si le disque de Lance Skiiiwalker n’est, à première vue, pas un produit vers lequel on reviendra aisément, Introverted Intuition comporte tout de même quelques moments forts, à l’image de l’envoûtant « Lover’s Lane », balade robotisée qui tente de retranscrire la magie des grands chanteurs de soul des années 60.
En réalité, si on parvient à surmonter les premières écoute forcément fastidieuses, on découvrira un disque fourmillant de bonnes idées, parfois maladroitement exprimées il est vrai, mais qui mérite une écoute approfondie - ce que bon nombre d’auditeurs ne feront probablement pas en raison de l’approche un chouïa trop expérimentale du projet. Véritable OVNI dans un rap-jeu où la plupart des protagonistes se reposent sur leurs lauriers sans chercher à franchir les barrières du genre, la dernière galette du label TDE - pas exempte de défauts - parvient néanmoins à repousser certaines frontières. A défaut de vous conseiller un disque totalement convaincant, on valide une approche.