Intimacy
Bloc Party
L'histoire de Bloc Party est connue : révélés au début de l'année 2004 grâce à quelques brillants singles dance punk qui ont mis le feu aux pistes des clubs londoniens, le groupe de Kele Okereke a publié quelques mois plus tard un premier album, Silent Alarm, dont on peut dire qu'il a fait l'effet d'un joli pétard mouillé. Porté par les mêmes singles que ceux précédemment évoqués, le disque se contentait d'un service minimum qui confinait à l'auto-parodie. Fin de l'histoire ? Pas tout à fait. A Weekend in the City, sorti en 2007, a agréablement surpris, de la part d'un groupe dont on n'attendait plus rien. Plus posé, sombre et réfléchi que son prédécesseur, l'album se laissait agréablement écouter et on en était même venu à se dire que Silent Alarm pouvait n'avoir été qu'un brouillon pour un groupe qui méritait une nouvelle chance.
Le problème, c'est que depuis ce second album, les trublions de Klaxons ont déboulé et publié leur fameux Myths of the Near Future, un brûlot totalement insupportable, vainqueur du Nationwide Mercury Prize, qui a fait passer les morceaux de Bloc Party pour de gentilles gesticulations. D'évidence, cet album (assez mauvais, il faut bien le dire) leur est apparu comme le disque à abattre. Ainsi, hélas, triple hélas, plutôt que persévérer dans la nouvelle voie "intelligente" abordée en 2007, les Londoniens ont choisi de produire un disque au moins aussi boursouflé que la réputation surfaite dont le groupe a bénéficié, surfant sur la hype de l'hiver 2004.
Intimacy, ce troisième album, sorti comme par surprise en plein milieu du mois d'août et en téléchargement seulement, dans un premier temps, porte donc bien mal son nom : très loin de proposer des chansons intimistes, Bloc Party a choisi de sortir l'artillerie lourde et de balancer d'énormes scuds difformes, inaudibles, creux et pathétiques. "Ares", premier titre de la galette, est symptomatique : gros riffs de guitare saturée en ouverture, batterie cradingue déchaînée, cris et hurlements, sirènes hurlantes, aucun support mélodique… au secours ! Se rendent-ils seulement compte de ce qu'ils font ? Sans doute, comme en témoigne la rupture à 2'17 : 25 secondes de musique planante surmontée de la voix aérienne de Kele Okoreke, et puis ça repart pour cette espèce de tambouille daubesque.
On serait de mauvaise foi en disant que rien n'est à sauver dans ce qui apparaît comme le "digne" successeur de Silent Alarm : un disque principalement fait pour les clubs. Heureusement, quelques chansons plus pop permettent d'éviter le naufrage. "Biko", tout d'abord, est un morceau qui aurait eu sa place sur le précédent album : plus calme, moins désireux d'en mettre plein la face, le titre, plaisant, tranche clairement avec le reste du disque. "Sings", pour sa part, surprend grâce aux notes de xylophone qui l'ouvrent et qui témoignent d'une maîtrise certaine des harmonies. Ca en fera rire certains, mais la chanson fait penser à "Ice Girl" d'Emilie Simon. "Better than Heaven", enfin, est sans doute ce qui rapproche le plus Bloc Party de The Cure, qui a longtemps été cité - de manière assez inexacte - comme une influence du groupe, sans doute compte tenu des ressemblances vocales avec Robert Smith.
Bref, ne retenons que ces quelques morceaux sympathiques car, hormis eux, point de salut. Intimacy plaira sans doute aux adeptes des boîtes, mais ceux qui attendaient une œuvre un peu sérieuse en seront pour leurs frais.