Integrity
JME
Quand, au début des années 2000, le dubstep sortait des clubs poisseux de Londres et commençait à avoir droit de cité ailleurs que sur Rinse FM ou l’émission de Mary Ann Hobbes sur XFM, on aurait pu penser que le grime allait prendre son aspiration.
En effet, même si sur la forme il y a quelques différences notables entre les genres, grime et dubstep ont toujours été comme cul et chemise. Pourtant, si l’on exclut Dizzee Rascal, happé par XL Recordings, qui sortit le classique Boy in da Corner (et ne fit pas grand chose derrière pour la cause), toutes les têtes de gondole du mouvement et ses plus magnifiques salopards sont restés cantonnés à un certain anonymat – ce qui est pourtant paradoxal quand on sait que cette musique revêt souvent un caractère beaucoup plus immédiat et ‘in your face’ que le dubstep – pourtant déjà pas mal dans son genre.
Pourtant, dans un alignement des planètes plutôt inexplicable et alors que plus personne n'y croyait vraiment, il semble bien que le grime connaisse enfin son quart d’heure de gloire en 2015. En tout cas, tous les indicateurs sont au vert : de Kanye West qui invite toute la scène grime londonienne lors de la présentation de « All Day » aux Brit Awards à l’arrivée à maturité d’une scène grime 2.0 (avec des labels comme Butterz ou Gobstopper) en passant par l’omniprésence du daron Skepta, qui s’est offert ces derniers mois deux tubes véritables.
Mais avant d’écouter son album cet été, c’est celui de son meilleur pote JME qui débarque sur Boy Better Know – label qui porte le nom du groupe au sein duquel on retrouve JME, Skepta et Wiley. Et là, une écoute suffit pour comprendre que celles et ceux qui vont découvrir le grime en 2015 vont à peu de choses près découvrir celui qu’on a découvert dix ans plus tôt avec les mixes de Spyro ou Slimzee.
Integrity est un bon album de grime comme on en a toujours fait, assez classique dans sa forme et sa structure, sur lequel on croise quelques producteurs et emcees historiques (Joker, Wiley, Preditah, D Double E), qui viennent donner un petit coup de main à un mec dont le poids sur la scène ne saurait être sous-estimé, malgré sa tendance à ne pas trop se mettre en avant.
Une certaine forme de timidité que l’on retrouve dans un flow qui, contrairement à celui de pas mal de ses pairs, ne prend pas directement à la gorge mais préfère jouer la carte de la force tranquille. C’est peut-être ce dernier point qui ne fait du disque un ‘instant classic’.
Pourtant, qu’on ne s’y trompe pas : au fil des écoutes, on commence à réaliser tout le flair et la pertinence d’un artiste qui accouche aujourd’hui d’un album cohérent, parfaitement équilibré et impeccablement produit. Un disque qui sonne surtout comme un avertissement : amical d’abord, à son pote Skepta qui va devoir se surpasser dans les mois qui viennent pour maintenir le niveau affiché sur Integrity ; à ses collègues ensuite, qui seraient bien inspirés de ne pas diluer la crédibilité engrangée à l’huile de coude dans des projets aussi bidons que rémunérateurs (merde, ça a déjà commencé). Le grime a rongé son frein suffisamment longtemps pour ne pas mériter un sort semblable à celui du dubstep.