Insecure Men
Insecure Men
Pour ceux qui ont déjà eu la joie d’assister à un concert de la Fat White Family sans forcément chercher à poser des noms sur leurs faces de pendards, Saul Ademczewski est le mec qui se faisait systématiquement sortir de scène par ses propres camarades après trois morceaux (toujours à raison, faut-il admettre). Pousser à bout les membres de la Family demande pourtant un certain acharnement compte tenu du fait que chacun entretient une relation assez conflictuelle avec la bienséance. Dans son cas, notre guitariste avait l’aiguille si fermement plantée dans le bras qu’il en était venu à préférer les têtes-à-tête avec son dealer plutôt que de se pointer au concert du soir. La gravité de la situation n’offrait plus qu’une seule option: accepter l’affectueux coup de pied au cul de son entourage et se précipiter dans le centre de désintox le plus proche.
Insecure Men est donc le fruit d’une (tentative de) rédemption. Même s’il n’est pas encore prêt à courir un marathon, notre gaillard a enfilé une chemise propre et a trouvé du réconfort auprès de Ben Romans-Hopcraft, un ami de longue date qui joue chez Childhood et avec qui il a repris au goût à la pop sans substance chimique. Et finalement, quoi de mieux que la bienveillance d’un clavier Bontempi pour accompagner leurs divagations sur la pédophilie (« Mekong Glitter ») ou le fantôme d’une diva overdosée (« Whitney Houston and I ») ? Car le registre des Insecure Men (un nom porté avec un certain aplomb) se niche dans cette petite marge miraculeuse entre la noirceur la plus malsaine et l’insouciance d’une musique d’ascenseur. Saul a beau être tout déchiqueté de l’intérieur, il n’hésite pas à se retourner comme une chaussette pour déverser les pièces du puzzle sur des airs d’une infinie tendresse. C’est à la fois exotique et 'oh so british', parfaitement juste et délicieusement à côté de la plaque. Les deux compères n’ont même pas l’air de se rendre compte qu’ils ont accouché d’une perle sur le plancher de leur taudis.
Les whouhou en écho, les solos de sax, la boîte à rythmes en roue libre, les voix paresseuses… Tous les éléments étaient réunis pour que l’échafaudage s’écroule. Et même Sean Lennon à la prod n’aurait pas pu sauver l’ensemble du carnage. Mais à force de déborder des lignes en se foutant de la symétrie, on ne retient que le génie d’un dessin d’enfant. Et celui-là restera sur la porte du frigo un bon bout de temps.