Inlet
Hum
Parmi les game changers du métal moderne, le White Pony des Deftones occupe une place spéciale, en ce sens qu’il a à l’époque démontré qu’il y avait une vie après le nu-metal, à condition de s’entourer des bonnes personnes, et de s’imprégner des bonnes influences. Et parmi les groupes qui ont marqué Chino Moreno au moment de se lancer dans l’écriture de White Pony, il y a Hum.
Si l’on utilise les Deftones pour vous attirer dans nos filets, c’est parce que la manière la plus simple de découvrir le groupe de Champaign (c’est dans l’Illinois), c’est encore d'écouter les louanges de formations autrement plus connues vouant un culte à une discographie interrompue en 2000 après quatre albums pourtant impeccables – comme You’d Prefer An Astronaut, dont la pochette ne manquera pas de faire tiquer les fans d’un certain groupe de Sacramento évoqué plus haut.
Si c’est au courant shoegaze que l’on rattache souvent Hum, la musique du groupe comporte également une importante dimension space rock et post-metal, ce qui explique pourquoi, encore aujourd’hui, des formations comme Pelican, Deafheaven ou Nothing s'en revendiquent. Malgré cela, c’est dans le même silence assourdissant qui avait accompagné sa dissolution que la bande est sortie de sa retraite, mettant fin à une pause de 22 années. C’est long, mais la bonne nouvelle, c’est que cela n’a en rien entamé la capacité de Hum à, d’une part, sonner très actuel et, d’autre part, d’accoucher d’un album d’un niveau de qualité presqu’inattendu.
Groupe culte s’il en est, Hum ne revient pas vraiment avec la pression qui peut accompagner un nouveau disque des Pixies, de Refused ou d’At The Drive In - d’ailleurs on a vu comment ils géraient ladite pression, c’est-à-dire extrêmement mal. Du coup, on ressent une réelle liberté dans la façon d'appréhender l'écriture de ce nouvel album – en même temps, même à l’époque où ils étaient signés en major, ce n’est pas comme si il ne faisaient pas comme bon leur semblait, même pour passer dans l’une des émissions phares de MTV, 120 Minutes.
Dès les premières notes de « Waves » (un titre qui porte bien son nom vu la sensation de noyade que provoque le riff d’une lourdeur certaine), on retrouve un groupe en pleine possession de ses moyens, qui s’échine à montrer combien la furieuse décoction qu’il nous a préparée à toute sa place dans l’écosystème rock de 2020. Certes, la volonté de plaire au quarantenaire trop content de revivre ses belles années 90 (ça crève les yeux sur « Step Into You ») ou faire du fan service ne peut être niée, mais cela ne se fait jamais au détriment de l’écriture, de la production ou de l’attitude générale adoptée par Hum. Le shoegaze étant par ailleurs un genre musical qui vieillit extrêmement bien et n’a jamais cessé de séduire des formations qui se cherchent une identité musicale, le sentiment que Hum revient pour cimenter sa discrète légende tout en se convaincant de sa pertinence malgré le poids des ans se fait vite ressentir.
Si l’on met de côté l’envie de faire de la musique ensemble, et de faire ça très bien (la cohérence globale et la qualité constante du disque en attestent), comment pourrait-on en vouloir à un groupe qui s’entend dire depuis des années qu’il n’a jamais eu le succès qu’il mérite ? Malheureusement pour lui, ou plutôt pour son portefeuille, rien n’a vraiment changé. Les vrais continueront de savoir, les autres découvriront Hum à la faveur d’un débat animé entre sachants ou d’un thread sur Reddit. Monde d’après qui ressemble tellement au monde d’avant, va te faire enculer.