In The Spirit World Now
Ceremony
En bientôt 15 ans d’activité, Ceremony a connu plusieurs vies. Du powerviolence abrasif des débuts sur Violence Violence (2006) et Still Nothing Moves You (2008), il ne reste rien si ce n'est quelques rares instants de furie durant les concerts du groupe. Pour retracer l'origine de ce basculement, on peut bien sûr s'en référer à Rohnert Park (2010), leur meilleur album à ce jour, mais c'est surtout Zoo (2012) qui sert de point de liaison entre ce que la formation américaine représentait autrefois et ce à quoi elle aspire aujourd’hui.
Quatre années après sa dernière livraison, Ceremony passe pour la première fois sur Relapse Records et c'est peu dire que le groupe qui se présente à nous aujourd'hui a parcouru du chemin. Si le virage post-punk opéré en 2015 avait laissé pas mal de fans sur le carreau, il semble avoir donné assez de recul aux musiciens pour se permettre quelque chose de plus ambitieux, quitte à faire rager tout le monde ou presque. Le Ceremony nouveau sera cette fois plus léger, mais pas frivole pour autant.
"I don't want to be bitter anymore" peut-on entendre sur le single "Turn Away The Bad Thing" qui ouvre ce sixième album et sur lequel l’envoûtante Chelsea Wolfe apporte sa contribution vocale. Comme pour mieux laisser derrière soi l'immense tristesse qui habitait le très bon The L-Shaped Man, ode post-rupture amoureuse sur laquelle planait l'ombre de Joy Division. Avec In The Spirit World Now c'est désormais sur une esthétique pop / new wave que le groupe jette son dévolu.
Ainsi, quand il ne se frotte pas à des mélodies et des arrangements proches de Talking Heads ou de Prince ("Presaging The End", "Say Goodbye To Them"), le groupe prouve qu'il en a encore sous le capot en balançant des morceaux au tempo plus rapide ("Further I Was", "Never Gonna Die Now", "From Another Age"). À l'image de sa pochette, la tonalité générale du disque se veut plus colorée, mais surtout plus nuancée. La production, la section rythmique ou encore la performance vocale de Ross Farrar vont d'ailleurs dans ce sens. Les synthétiseurs sont aussi très largement incorporés à des compositions convaincantes dont on ne pensait pas forcément le groupe capable il y a quelques années. Hormis de rares instants où leur présence frise l'indigestion ("In The Spirit World Now", "I Want More"), le pari est d'autant plus couillu qu'il est réussi. Ceremony ne joue pas simplement la carte du revival, mais propose une musique qui se veut résolument moderne, agrémentée d'influences plutôt inhabituelles dans le chef des punks.
Après plusieurs écoutes du travail opéré sur ce sixième album, l'appellation lourdingue du "disque de la maturité" est inévitable tant le groupe n'a jamais auparavant fait preuve d'une telle assurance dans sa démarche. In The Spirit World Now est une belle illustration de l'audacieux plan de route des Californiens puisque chaque album s'écarte toujours du précédent. Ceremony reste toujours excitant malgré des transitions stylistiques parfois brutales qui n'émaillent pas pour autant sa crédibilité. Et tant pis pour ces maudits nostalgiques.