In Our Heads
Hot Chip
Album ambigu et quelque peu réduit au silence par l'exceptionnel This Is Happening de LCD Soundsystem il y a deux ans, One Life Stand semble ne pas avoir été bien calculé par l'habituel auditoire d'Hot Chip. Produit inspiré par la dance music des 90's malgré l'attachante amertume qu'elle dégage, il n'y avait qu'à se baisser pour cueillir autotunes, claviers à la Crystal Waters et anthems ringards au fil d'un tracklisting souvent second degré mais inscrit dans une incontestable continuité discographique. Un petit retour aux sources semblait donc s'imposer pour ce In Our Heads, qui contre toute attente choisira de ne pas renier son aîné, mais plutôt de le complèter d'une fort belle manière.
Le ton est donné dès ''Motion Sickness'', entame d'album aux allures de flashmob en plein milieu du champ de Mars: ce nouvel opus sera aussi éclairé que son prédécesseur était égaré à la recherche d'un visage amical au beau milieu d'un club bruyant. Et même si cela implique quelques chancellements ou rechutes – à l'instar des sept minutes abyssales de ''Flutes'', véritable point d'orgue de l'album - In Our Heads se pose comme un pendant audacieux et apaisé de One Life Stand, et tant pis si leur sacro synth-pop se met d'elle-même entre parenthèses. Ce n'est en réalité que pour mieux permettre aux deux voix du groupe de s'aventurer dans un R&B synthétique voire même une pop mégalo, mais qui s'opère dans une délicatesse de tous les instants, à l'image de la fragile mélodie à tiroirs de ''Now There Is Nothing'', de la pop FM vulnérable de ''Look At Where We Are'' ou encore de la luminosité disco de ''Don't Deny Your Heart'', qui évoquent tour-à-tour Paul McCartney ou Paul Simon sans jamais trahir l'exceptionnelle alchimie rythmique et tubesque insufflée depuis cinq albums par les Anglais. Avec Hot Chip, la machine ne se substitue jamais à l'homme mais le complète dans ses imperfections même les plus dansantes.
Au final, pari réussi pour cette nouvelle livraison moins dance que dense de nos geeks préférés. Continuellement sur le fil du rasoir, la joyeuse bande menée par Alexis Taylor et Joe Goddard renoue jusque dans le choix de sa pochette avec les couleurs plus ambigues, moins flashy et fatalement plus humaines qu'elle avait un peu perdu après The Warning. Et si In Our Heads n'est pas exempt de défauts, celui-ci se démarque avec brio de ses prédécesseurs par sa singulière entièreté et par l'étrange optimisme qui s'en dégage. Et tant pis si l'on perd un peu en BPM survoltés. Hot Chip continue de maîtriser son sujet en se redessinant avec toujours plus de malice et d'intelligence à chaque nouvelle galette. Ce qui continue d'être un bel exploit.