Immer 3
Michael Mayer
A une époque pas si lointaine que cela, le mix album était un produit au succès commercial indéniable qui ne subissait la concurrence acharnée (et il est vrai un brin déloyale) des podcasts et autres mixtapes gratuits qui pullulent aujourd'hui sur la toile. A cette époque bénie pour l'industrie, Michael Mayer et ses compilations Immer faisaient office de valeur sûre et de porte-étendard d'une certaine minimale froide et immersive en droite provenance de Cologne, dont l'influence sur la musique électronique est aujourd'hui plus prégnante que jamais.
Mais alors que débarque ce troisième volume de la prestigieuse série, on ne peut s'empêcher de constater que le contexte a bien évolué et que ce Immer troisième du nom n'affole plus autant à une époque où des mixes de Michael Mayer, ce n'est pas ce qui manque sur les forums et les blogs – aussi variable la qualité puisse-t-elle être. Pourtant, ce serait un peu vite oublier ce que représentent les deux premiers volumes de la série en termes de définition d'un son et le poids que pèse encore aujourd'hui Michael Mayer sur la scène internationale. Car si le natif de Cologne n'est pas du genre à s'exposer dans la presse spécialisée, on constate avec un peu de recul que sa carrière est un exemple de régularité au plus haut niveau: entre deux Immer devenus classiques, un Speicher 3 qui l'est tout autant, l'exploration du versant plus pop de sa personnalité en compagnie de Superpitcher au sein de Supermayer ou un album solo qui n'a pas pris une ride, difficile de prendre Michael Mayer en défaut. L'homme semble le savoir, ce qui a dû jouer dans l'élaboration de ce mix.
En totale contradiction avec les codes de l'époque, Immer 3 l'est certainement: à l'heure des tracklistings kilométriques censés aguicher le mélomane perdu face à tant de choix, Michael Mayer a opéré une sélection minutieuse dans son flight case pour ne garder que 11 titres qui, et c'est surprenant à ces temps de « fast music », ne sont pas tous sortis le mois passé mais représentent plutôt les coups de coeur de ces dernières années, auxquels sont associés quelques nouveautés bienvenues et particulièrement efficaces – à ce sujet, le remix du « The Operation » de Charlotte Gainsbourg par Superpitcher est probablement l'un des trucs les plus jouissifs et extatiques entendus en 2010. Forcément, face à une sélection que l'on sent placée sous le sceau de la minutie et du coup de coeur, il sera facile de taxer l'homme de Cologne d'une certaine paresse, d'autant plus qu'il prend un malin plaisir à laisser les morceaux s'étirer pendant six ou sept minutes avant de bien vouloir penser à enchaîner sur autre chose.
Pourtant, s'il serait facile d'arrêter les frais dès une mise en bouche qui peine à décoller (comptez une quinzaine de minutes, la faute au beau mais long remix du « Don't Let The Stars Keep Us Tangled Up » de Cortney Tidwell par Ewan Pearson), l'auditeur est rapidement récompensé dans le noyau dur du mix où techno minimale et deep house s'entrelacent dans une sorte de longue parade nuptiale orchestrée de main de maître par un Michael Mayer particulièrement à son affaire – il faut dire bien aidé par Tim Paris ou Gui Boratto qui s'attaque au « Paradise Circus » de Massive Attack.
Finalement, le seul vrai problème de ce Immer 3, c'est qu'il semble particulièrement difficile d'en donner un avis tranché et définitif après quelques écoutes seulement. A l'évidence, et à l'instar des autres compilations officielles signées Michael Mayer, c'est dans la durée que celles-ci révèlent leurs nombreux atouts. Et si à première vue Immer 3 devrait autant plaire aux fans de la première heure préoccupés par la diversification de Kompakt qu'aux amateurs du versant plus pop de la maison de Cologne, il sera bon de juger cette sélection sur le long terme, lorsque paraîtra le prochain volume de la série par exemple. Et quand on sait que Michael Mayer n'est pas du genre à se presser, cela nous laissera suffisamment de temps pour explorer comme il se doit ce Immer 3 visiblement solide.