Imaginal Disk
Magdalena Bay
Avant même que l’on parle de la menace de l’intelligence artificielle sur la composition musicale, il existait déjà des playlists infinies de synthpop médiocre rendues facile à produire grâce aux logiciels de production musicale. Parfaitement à sa place au milieu de ses contemporains, le duo Magdalena Bay est donc présenté comme le meilleur d’entre eux, les premiers de la classe d’Ableton en quelque sorte. La production d’Imaginal Disk, son dernier album, est en effet immaculée.
Le groupe, déjà culte chez la génération Z, bénéficie d’excellents retours sur leurs médias : Imaginal Disk caracole en tête du classement 2024 de Rate Your Music un mois après sa sortie, assorti d’un rare 9/10 attribué par le père Fantano. Le single « Death & Romance » et son piano luxuriant posé sur un beat électro des années 90 ressemble à de la city pop en anglais (sans la nostalgie). J’aime le synthé comme tout un chacun, mais s’agit-il ici d’un fossé générationnel infranchissable ? On retrouve les mêmes influences chez Grimes, Caroline Polachek ou yeule. À dire vrai, il est difficile de deviner ce que Magdalena Bay offre de plus que Jockstrap, le duo art pop où la violoniste de Black Country, New Road prend le micro.
Imaginal Disk est donc avant tout un album de vibe, où l’imagerie fortement inspirée par le tournant du millénaire prime sur tout le reste. Est-ce que la musique est belle ? Bien évidemment. A-t-elle des choses à dire ? C’est beaucoup moins certain. Prenez « Killing Time » : ce titre camoufle son easy listening en produit edgy et ironique où la voix angélique de Mica Tenenbaum est posée sur une rythmique bossa minimaliste sortie d’un VST de clavier Casio. Les ajouts intempestifs de guitare, d’orchestres, de synthés en dents de scie et autres sons abrasifs mais calculés (« Tunnel Vision » est le parfait exemple) viennent à peine chambouler les allures de bluette de la majorité des chansons. Là où le mauvais goût de 100 gecs rattrape leur attitude désinvolte, Imaginal Disk est un album érudit et réconfortant, sans aspérité.
Tout n’est pas non plus à jeter : « Watching TV » est une douce ode au Netflix and Chill, difficile de dire si « Love is Everywhere » est ironique mais ça groove, « Image » augmente un peu le tempo pour dodeliner. En réalité, rien n'a vraiment changé depuis le premier album : en 2024, Magdalena Bay sont toujours plus doués pour vous faire danser dans le confort de votre chambre plutôt que sur un dancefloor. L'esthétique chillwave au service du repli sur soi.