If You're Reading This, It's Too Late
Drake
"Si vous lisez ça, il est trop tard". L'ironie est palpable, surtout quand on publie notre papier sur le nouveau Drake près d'un mois après sa sortie. On s'en excuse mais ce n'est pas une histoire de flemme. En fait, depuis le 15 février, on n'a eu de cesse de revenir sur cette page vierge. L'objectif ? La recherche d'un vrai bon angle d'approche.
Mais on a sans doute eu les yeux plus gros que le ventre: trop propre sur lui pour être considéré comme une mixtape, trop incohérent pour mériter un vrai statut d'album, If You're Reading This, It's Too Late est un produit à part dans la discographie d'Aubrey Graham. Et si on devait lui trouver un point de comparaison, on dirait que le disque est au rap jeu ce que Jon Snow est à Game of Thrones: une sortie bâtarde qui transpire le froid et la fragilité. Mais aussi (et surtout) un disque qui prépare le terrain avant l'album Views From The 6. Et au final un projet qui a le cul sur tellement de chaises qu'il va avoir bien du mal à s'imposer sur la durée.
N'en déplaise aux traditionnels détracteurs du Canadien, Drake ce n'était certainement pas mieux avant. Ce n'est pas mieux maintenant non plus d'ailleurs: vu le créneau qu'il explore et les sujets qu'il aborde sans la moindre prise de risques, on commence à le sentir condamné à une certaine immobilité. Ce surplace est d'autant plus comique que l'intéressé déclare avoir évolué à de multiples reprises, jusqu'à considérer la concurrence comme "too predictable" sur "No Tellin'".
Mais bon, c'est pas comme si on avait eu la prétention de comparer son répertoire à celui d'un Nas ou d'un Tech N9ne. On a toujours préféré sa musique pour sa volonté de placer (avec succès) Toronto sur la carte du rap jeu, avec un son à la fois reconnaissable et catchy. En effet, Drake a toujours joui d'une direction artistique sans faille qui a, par le passé, permis de pardonner quelques égarements sur Take Care ou l'hermétisme bizarre de Nothing Was The Same. Ainsi que ses défauts au micro.
A ceux toutefois qui se demanderaient ce que peut valoir une plaque de Drizzy vide de toute cohérence, cette livraison parle d'elle-même: ça complique pas mal l'intérêt qu'on peut lui porter. Certes, les bosses dans le pantalon sont légion ("Know Yourself" avec le meilleur beat-change de 2015 ou "Star67"). Mais il faut admettre que l'absence de ligne directrice menace la longévité de cet amas de titres qui semble privilégier la quantité à la qualité.
Ce n'est pourtant pas faute d'avoir donné les clés du disque aux usual suspects Boy-1Da, Noah 40 Shebib ou PARTYNEXTDOOR. Ainsi, malgré des productions inspirées et des tubes évidents, l'absence totale de structure enlève tout l'intérêt du disque. Si bien qu'au final, on place If You're Reading This, It's Too Late au même niveau que la mixtape So Far Gone, là où il aurait pu être plus qu'un simple enchaînement de titres alignés maladroitement. C'est ce qu'on appelle un beau gâchis.
On se montre bien négatifs face à un disque franc, qui a fait fondre nos cœurs de guimauve plusieurs semaines durant. Cependant, force est de constater que If You're Reading This, It's Too Late est, de très loin, le disque le plus faiblard de la discographie de la caution canadienne de Cash Money. Mais on imagine que Drake doit en avoir encore gardé sous le coude vu ce qui nous attend en 2015. Inutile de préciser que les attentes entourant Views From The 6 sont immenses.