If You Leave
Daughter
Au vu du nombre de news consacrées à Daughter au cours de ces derniers mois, vous aviez compris qu’une bonne partie de la rédaction de Goûte mes Disques guettait avec impatience la sortie du premier album du trio londonien. C’est que, avant la sortie d’If You Leave, deux EP, His Young Heart et The Wild Youth, officiant comme autant de livraisons apéritives, nous avaient déjà mis l’eau à la bouche et laissaient présager le meilleur.
Le succès de Daughter repose en grande partie sur Elena Tonra, chanteuse et guitariste du groupe, qui peut être décrite, physiquement et vocalement, comme le fruit des amours saphiques et imaginaires de Karen O, PJ Harvey et Sharon Van Etten (dont on avait beaucoup apprécié le très bon Tramp). Vous vous ferez peut-être une idée plus précise de la demoiselle si on vous précise que, même pourvue d’une coupe de cheveux qui ne la ferait en rien détonner dans le casting de ce chef-d’œuvre du cinéma d’auteur qu’est Les Visiteurs, elle n’en est pas moins un modèle de raffinement et de joliesse. Et c’est peu dire que ces deux qualités irradient sur la totalité de ce premier effort.
Composé de dix instants de grâce folk majoritairement mélancoliques, If You Leave est, comme son titre l’annonce, dominé par le thème de la dépression, amoureuse principalement, qui se décline de perte des repères en sentiment d’abandon. Dès le morceau liminaire, “Winter”, s’installe une ambiance aussi feutrée que poignante qui ira en s’intensifiant tout au long du disque. Si les arrangements semblent parfois discrets (comme sur l’excellent “Youth”), ils n’en sont pas moins indispensables : l’articulation de rythmes de guitare à la structure classique signés Tonra et de distorsions plus nerveuses dues à Igor Haefeli prolonge idéalement, d’un point de vue formel, le contenu de textes mêlant volontiers le doute et la colère et semblant désireux, par leur dimension litanique, de conjurer les effets destructeurs de relations passées. Seules les respirations pop du septième morceau, “Human”, permettent de sortir la tête de l’eau, mais c’est pour mieux replonger dès les dernières notes et le constat d’échec susurré par Tonra : “I think I’m dying here”.
Au final, ce premier album ne s’impose pas forcément pour son originalité, mais, de ses paroles tourmentées à ses arrangements ambivalents, il se présente comme un exercice de style folk magistralement interprété. On notera que sa parution printanière peut sembler paradoxale tant le cadre qu’il dresse instaure un dialogue avec les sanglots longs des violons de l’automne. Mais ce choix en matière de calendrier est sans doute préférable pour tous les neurasthéniques qui s’empresseront de caler If You Leave entre les Bright Eyes et Death Cab For Cutie dans leur lecteur mp3.