I Wanna Run Barefoot Through Your Hair
Christopher Owens
En 2009, Barack Obama s’installait à la Maison Blanche. Michael Jackson mourait d’une crise cardiaque, et Girls déboulait dans la galaxie indie avec le bien nommé Album, premier essai incandescent et synthèse irrésistible de classicisme pop, de garage-punk lo-fi, et d’ambiances de crooner noyées sous des couches de reverb. Comme une rencontre improbable entre les Beach Boys, Felt et Spiritualized, en somme.
Duo plutôt que véritable groupe, Girls était composé de Christopher Owens (chant et guitare) et Chet « JR » White (basse et prod). Suivront encore un EP et un dernier album - le tout en à peine deux ans - qui leur valurent les louanges des Pitchfork et Stereogum de la grande époque. Las, Girls tire sa révérence en 2012, laissant un vide jamais réellement comblé par les productions solo de Chris Owens, qui livrera encore 3 albums jusque 2015 et un EP avec un obscur et éphémère nouveau groupe nommé Curls, avant de complètement disparaître de la circulation.
Son ex-comparse ayant succombé à ses addictions il y a 4 ans, les espoirs de reformation de Girls étaient définitivement douchés. C’est donc avec stupeur que notre cœur (de rockeur) a été cueilli cet été à la parution d’un premier single au titre évocateur « I Think About Heaven ». Pour quelqu’un qui a grandi au sein d’une secte, Owens aurait-il retrouvé la foi ? Comme il le confie au Guardian : « Est-ce que j'y crois ? Ou est-ce que c'est un ramassis de conneries ? Avec l’âge on se dit que tout n'est peut-être pas si noir ou si blanc. Peut-être qu'il y a quelque chose auquel je crois. Ou peut-être que je n’y crois pas vraiment mais que c’est important pour ma vie. »
En 2017, percuté par un SUV alors qu’il roule à moto, il se retrouve alité, sans réels soins médicaux, faute d’assurance santé. La suite ressemble à une descente aux enfers : sa fiancée le quitte, il perd son appartement, se retrouve à vivre dans sa voiture. De là à faire de ce petit dernier I Wanna Run Barefoot Through Your Hair un disque de la rédemption ?
Du très girlsien « No Good » en ouverture ("Leave me alone I’m dying" en règlement de compte avec son ex) à l’épique « Do You Need a Friend » en conclusion - qui sans honte aucune cite Roxette - et où il se livre sans fard ("If you really wanna know, I’m barely making it through the days"), on reste en terrain connu. Bien qu’inégaux, même les morceaux les plus faibles sont sauvés par les fondamentaux qui font de Christopher Owens l’un des grands singer-songwriters de sa génération : des compos simples au premier abord mais magnifiées par le chant, sur la corde raide entre mélancolie patente et fragilité assumée, avec toujours une foi inébranlable en la musique. Comme il le confesse dans le désarmant « This Is My Guitar » : “This is my voice, I sing the best I can. The music in my head is from my heart. This is my chance, the only chance I've got. To shine a little light into the dark”.
I Wanna Run Barefoot Through Your Hair n’est peut-être pas (encore) l’album qui nous fera oublier Girls, mais déjà un petit miracle en soi, qui en donnant des nouvelles de son auteur trop longtemps disparu nous permet d’espérer ne pas devoir attendre neuf autres années avant une prochaine fournée. Et que de ce troisième chapitre le meilleur reste à venir ?