I See You
The XX
Un jour, on m’a dit que j’avais le visage triste alors que j’étais souriant. C’est un peu ce genre de paradoxe émotionnel qui a toujours fait le charme de The XX.
Depuis ses débuts, The XX est un groupe qui n'a cesse de franchir des étapes. Ensemble, les Anglais ont imposé une certaine vision de la beauté, marqué la transition entre deux décennies. Quelques mois après la sortie du premier disque, je me souviens que, dans l’assistance de leur premier showcase à la FNAC de Châtelet-les-Halles, nous n’étions que quelques dizaines. Mais la grâce adolescente qui se dégageait du concert avait conquis l'assemblée. Et la hype montait. Dans la foulée suivirent les reconnaissances critique (le Mercury Prize) et commerciale (« Intro » récupéré par Rihanna, mais aussi tous les fabricants de reportages télé du monde).
Il est sûr qu’aujourd’hui, un clone de xx est impossible : les trois Anglais ne pouvaient pas rester dans le repli, jouer sur cette fragilité si particulière toute leur carrière. C'est pourquoi quatre ans après un Coexist qui prolongeait le précédent sans réellement innover, le groupe gravit véritablement un échelon. Sur ce troisième disque, The XX présente un patchwork qui se veut riche en émotions et en couleurs, façon couverture de l’album solo de Jamie XX, architecte sonore de la bande au rôle plus central que jamais. Sans nul doute, sa patte et le succès immense de In Colour ont infusé le processus de création de I See You.
The XX ouvre donc grand portes et fenêtres, pour le meilleur et pour le pire. Ainsi, vu la tronche de « On Hold », premier single samplant un tube de Hall & Oates, on pouvait envisager un grand disque tous publics s'appuyant sur une identité musicale reconnaissable malgré les évolutions. Par ailleurs, on se laisse charmer par les inspirations très cinématographiques sur le morceau pivot de l’album, « Performance », ou sur « Lips », qui puise sa source dans une chanson de David Lang pour le film de Paolo Sorrentino, Youth. On aime aussi les envolées japonisantes ou latine qui traversent de façon fugace le disque. Malheureusement, à trop avoir des envies d'ailleurs, on ne sait parfois plus trop où l'on va. Cette volonté de tenter de nouvelles combinaisons amène alors son lot d'égarements pop et de déceptions, comme sur « Say Something Loving » ou « A Violent Noise ».
En fait, I See You rappelle étrangement la mort de Han Solo dans Star Wars VII. On s’y attend, c’est triste, mais il fallait que la saga tue un ancien héros pour entrevoir la suite sur des bases bien plus nouvelles. Mais alors qu’il s’agit de l'album censé être le plus personnel de sa discographie (cela s'entend aussi au niveau des textes), The XX dilue sa personnalité dans ses expérimentations, perd en singularité à trop imiter, aussi. À défaut de marquer l'année 2017, I See You s'impose comme un exercice nécessaire pour le trio, une mue qui devra s'affirmer pour de bon sur un quatrième long format. Et là, ce sera véritablement quitte ou double.