I NEVER LIKED YOU
Future
Tel Ty Dolla $ign qui titrait son troisième album studio Featuring Ty Dolla $ign pour se foutre de sa propre gueule et de sa tendance à être meilleur sur le projet des autres, Future a décidé d'intituler son dixième album studio I NEVER LIKED YOU pour se foutre de sa propre gueule et de sa tendance à réagir comme un drama queen à chaque fois qu’une femme a la bonne idée de le laisser en « vu ».
Future a en bien compris que son image de mec toxique faisait vendre, alors autant en profiter à fond: à l’instar de Gunna et Drake qui se moquent volontiers d’eux-mêmes en surjouant un personnage, Future sait précisément où frapper pour que la memosphère s'affole. Car il est bien conscient qu’il ne va plus rien révolutionner, tant sur le plan musical que personnel, et il est clair que les morceaux déchirants qui évoquaient sa rupture avec Ciara et qui avait composé un run magnifique entre 2014 et 2016 appartiennent au passé. Depuis, il multiplie les conquêtes et ses projets baissent progressivement en qualité.
En panne de passion pour l’inspirer, l’ange déchu pousse son égocentrisme à un tel point qu’il ne s’intéresse plus qu’à lui-même et à son quotidien. Et comme le dit le vieux dicton, mieux vaut en rire qu’en pleurer. Heureusement pour nous, cette autodérision montée en épingle sur des morceaux comme « FOR A NUT » et « WORST DAY » est contrebalancée par un Future qui essaie de nous inviter dans des univers tour à tour sentimentaux (« WAIT FOR U », « LOVE YOU BETTER », « BACK TO BASICS »), autobiographiques (« KEEP IT BURNIN », « VOODOO ») voire menaçants (« HOLY GHOST », « I’M ON ONE »). Mais toutes ces postures semblent surjouées, à un tel point qu’il nous est de plus en plus tentant de comparer ce projet à une distrayante série B.
Encore une fois, c’est le stakhanovisme de Future qui le sauve de l’immobilisme propre aux artistes qui n’ont plus rien à prouver. C’est ce qui lui permet d’exprimer les plus viles banalités tout en les rendant divertissantes et agréables à écouter, que ce soit via les gimmicks subtiles, les changements d’intonation ou encore le formidable travail d’ingénierie sur sa voix. Ses prestations au micro se marient assez bien avec les productions de Southside, Wheezy, ATL Jacob, TM88, Taurus & co. qui réussissent à se montrer cohérentes entre elles et à donner à l’album son aspect de long tunnel sonore qui s’écoute sans trop d’efforts. Peu d’excentricités sont au programme et un album qui donne l’impression de s’écouler dans un calme relatif, comme pour tromper l’ennui du dandy.
Future parvient toujours à nous donner l’impression de rapper sans effort et de s’amuser, quitte à parfois frôler une certaine insolence tant il est convaincu d’encore éclabousser de sa classe toute la concurrence. Mais en bon trappeur il aurait tort de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué : ses featurings avec BabyFace Ray, Lil Baby, 42 Dugg et Lil Durk nous confirment qu’après plus de 10 ans de carrière et une trentaine de projets à son actif, Future commence à être fatigué. En manque d’énergie face à cette nouvelle génération dorée, sa marge de progression est sérieusement diminuée, et à l’instar d’un Cristiano Ronaldo à Man U, Future Hendrix laisse désormais ses co-équipiers construire le jeu pour qu’il puisse tout donner lorsqu’il s’agit de mettre la balle au fond des filets. Un ripolinage de façade qui lui permet de conserver des statistiques héroïques, à défaut de remporter de nouveaux trophées.