I Know What Love Isn't

Jens Lekman

Secretly Canadian – 2012
par Maxime, le 4 septembre 2012
8

L'air de rien, la Suède est un royaume qui rayonne, à la fois lumineux et fragile. Et à son image sont les musiciens qui en viennent: qu'ils tissent des toiles électroniques (The Knife, The Field), sculptent un folk délicat (Loney Dear, The Tallest Man on Earth) ou ourlent une pop racée (The Radio Dept., Lykke Li), tous appartiennent à une scène qui semble puiser son inspiration dans de radieux paysages du nord. Et même s'il s'est installé en Australie depuis son dernier album, ce n'est pas Jens Lekman qui va nous faire mentir avec son dernier opus.

Et pourtant il n'était pas acquis qu'après deux premiers bijoux en 2004 (When I Said I Wanted To Be Your Dog et Oh You're So Silent Jens) le songwriter allait reproduire l'exploit : en effet le précédent opus (Night Falls Over Kortedala) nous avait laissé sur notre faim, et l'an dernier au Pitchfork Festival de Paris, le chanteur ne nous était pas vraiment apparu au mieux de sa forme, tentant d'insuffler un peu vainement de la grandiloquence dans ses chansons, mais finissant par les essouffler - et nous avec.

Près d'un an après ce qu'on qualifiera donc d'accident de parcours, le natif de Göteborg semble avoir retrouvé la recette miracle, et ne tournons pas autour de pot, I Know What Love Isn't est une réussite, une petite douceur pop du genre de celles dont on ne se lasse pas. Ça commence par une ritournelle, quelques notes de piano hésitantes qui introduisent la belle déprime à venir. Car ce nouvel opus est un ode à l'amour sous les formes les plus sombres qu'il peut emprunter : amour perdu, amour fané, amour non partagé. Et pour nous faire porter un bout de son fardeau Jens varie les plaisirs, passant de la belle "Erica America" aux accents hispanisants à la pop désabusée de "The Worlds Moves On" et "The End Of The World is Bigger Than Love", sans pour autant tomber dans les travers éclectiques de son précédent disque. Le climax est atteint avec "She Just Don't Want to Be With You Anymore", sommet poignant qui arracherait des larmes à un caillou.

Maitrisant mieux que jamais des compositions qui alternent comme d'habitude phases acoustiques et discret sampling, Jens Lekman trouve définitivement les marques de son chant, sa voix chaude habitant totalement ce disque clair et court, plus ciselé encore (et il fallait le fair !) que les précédents. Enchaînement de miniatures à la fois romantiques et poignantes, I Know What Love Isn't est le disque parfait pour goûter aux couleurs de l'automne, quoiqu'à déconseiller aux dépressifs en phase de rupture avancée. Et à l'issue d'une dizaine d'écoutes, on ne sait toujours pas ce qu'est l'amour, mais on est certain de ce qu'on tient là: un grand disque.