I Hear You

Peggy Gou

XL Recordings – 2024
par Jeff, le 16 juillet 2024
6

Autant à sa place en une de DJ Mag qu’au premier rang d’un défilé Prada, Peggy Gou est désormais capable d’enchaîner sur le même weekend un set au Pacha d’Ibiza et un concert à Glastonbury, la Berlinoise d’adoption fascine autant qu’elle exaspère, elle qui parvient à être visible partout alors que sa parole est finalement très rare. Mais il arrive qu’on attende un disque de pied ferme pour de mauvaises raisons : parce qu’on espérait secrètement que celle à qui tout réussit se prenne au moins une fois les Balenciagas dans le tapis, ou parce que nos esprits trop peigne-culs se refusaient à accepter les envies de mainstream d’une artiste qui, paraît-il, n’hésite pas à recruter des ghostwriters pour atteindre son but.

Se sachant attendue au tournant par des rageux dans notre engeance n’ayant rien d’autre à foutre que de lui chercher des poux alors qu’il suffit simplement de profiter d’un disque qui n’a d’autre ambition que de nous divertir, Peggy Gou a joué la carte de la sécurité en incluant deux titres assez anciens au tracklisting : « I Go » et ses génuflexions balearic (2021 quand même), et le tube de l’été 2023 « (It Goes Like) Nanana » qui l’a fait rentrer en rotation lourde sur les radios généralistes, et qui résument assez bien le « ni ni » dans lequel excelle celle qui est désormais aussi à l’aise derrière ses claviers qu’un micro à la main. Ainsi, d’un bout à l’autre de I Hear You, on décèle ce qui ressemble à une volonté d’aller taper jusque dans les playlists de la ménagère de moins de 50 ans tout cherchant à plaire au fan de musique électronique un tant soit peu érudit, et qui n’aura aucun mal à lire dans ses influences – rien que le premier titre de l’album est une déclaration d’amour à l’intégralité du back catalogue de Strictly Rhythm. Mais non contente de réciter proprement ses gammes, Peggy Gou démontre aussi qu’elle n’a aucun mal à humer l’air du temps, comme sur « All That » où elle est rejointe par la rappeuse portoricaine Villano Antillano.

Vous l’aurez compris, les ficelles qui composent I Hear You sont bien épaisses, et pourtant on ne peut s’empêcher de tirer dessus comme des gamins. Malin ou opportuniste ? Ici, on a surtout pour théorie qu’il a pour objectif premier de tester la capacité de Peggy Gou à se frotter au succès planétaire – quitte à ne pas vraiment forcer son talent. Et quand le label qui préside à votre destinée se nomme XL Recordings, et que son boss a su gérer l’ascension fulgurante d’Adele, on se dit que la voie est toute tracée, mais que les chances qu’on s’emmerde sur cette autoroute electro-house sont aussi élevées que celles de voir Charli XCX, qui sortait son immense Brat le même jour, accéder à ce succès de masse auquel elle aspire mais qui se refuse obstinément à elle.