I Had A Dream That You Were Mine
Hamilton Leithauser + Rostam
Forcément, quand on a une voix aussi puissante et évocatrice que celle d'Hamilton Leithauser, on occupe beaucoup d'espace. Pourtant, c'est lorsqu'il a sorti son premier album en solo qu'on a compris, avec le temps et les écoutes, toute l'importance de ses anciens comparses au sein de The Walkmen dans l'exceptionnelle valorisation de son outil de travail.
Sur ce disque extrêmement varié, l'Américain prenait un plaisir fou à s'affranchir de l'esthétique magnifiquement codifiée par son ancien groupe mais il le faisait en prenant soin de mettre sa voix rocailleuse au premier plan, reléguant les autres instruments et ses collaborateurs aux rôles de simples faire-valoir - pourtant il pouvait compter sur l'aide de gens aussi talentueux qu'Amber Coffman (Dirty Projectors) ou Richard Swift. Le seul qui avait véritablement réussi à briller dans l'ombre d'Hamilton Leithauser était Rostam Batmanglij, à l'époque encore homme à tout faire au sein de Vampire Weekend. Sur les deux titres auxquels il participait, il y avait notamment "Alexandra", cavalcade à la belle patine.
Probablement conscients de l'immense potentiel d'une association sur le plus long terme, c'est dans la foulée directe de la sortie de Black Hours que les deux hommes ont entamé l'écriture et l'enregistrement de I Had A Dream That You Were Mine. Un disque donc co-écrit et produit par un Rostam Batmanglij qui avait pourtant décidé de quitter Vampire Weekend afin "d'exister en tant que songwriter et producteur". Un peu paradoxal, enfin soit.
Le résultat ? Il est à la hauteur des attentes et des pedigrees respectifs, très clairement. Ainsi, l'intensité propre au chant et au songwriting d'Hamilton Leithauser est globalement contrebalancée par cette touchante sensibilité qui a toujours été l'une des marques de fabrique de Vampire Weekend. Et quand bien même le premier cité s'amuserait à jouer la carte de la modération, l'autre sait parfaitement quoi faire pour tirer son épingle du jeu - impossible de résister à "In A Black Out", une ballade qui ne sait choisir entre tristesse et tendresse. Et pour vraiment ajouter de la variété à un disque qui affiche pourtant une inattaquable cohérence, on a même droit à l'un ou l'autre "doo wop" ou des clins d'œil complètement assumés à des héros de jeunesse - on pense ici à l'intro dylanesque de "The Bride's Dad."
Vu tout ce qui vient d'être dit, on pourrait considérer I Had A Dream That You Were Mine comme un disque de Vampire Weekend colonisé par la voix des Walkmen. Et, s'il y a forcément une grosse part de vérité dans cette affirmation, on réalise rapidement que l'union de ces deux fortes personnalités fait naître quelque chose de totalement neuf, à savoir une osmose qui transcende les passifs et impose une réalité nouvelle, incontestable : on a peut-être perdu Brangelina en 2016, mais ce n'est pas grave, on a récupéré RostHam. Et croyez-nous sur parole, on n'a rien perdu au change.