I Decided
Big Sean
« Sur Dark Sky Paradise [...] Big Sean passe pour un invité dans sa propre maison » écrivait-on au sujet du précédent disque du rappeur de Détroit, sorti il y a deux ans. Parfois transparent aux côtés de ses guests, ce fût finalement son carnet d’adresses qui sauva ce 3ème LP et lui permit d’obtenir la coquette note de 8/10 - il ne fait aucun doute que les apports de DJ Mustard (« I Don’t Fuck With You »), Mike WiLL Made It (« Paradise »), Kanye West (« All Your Fault ») et Drake (« Blessings ») y furent pour beaucoup. Bref, tout ça pour rappeler qu’à l’époque on faisait pas mal de compliments à Dark Sky Paradise, mais finalement peu à son interprète.
Sean Anderson a-t-il pris conscience que, malgré des critiques globalement positives, il n’était plus réellement la star de ses propres disques ? En tout cas le changement de direction d’I Decided laisse penser que oui : comme son titre l’indique, c’est Big Sean en personne qui prend les commandes du projet. Et sur papier, c’est plutôt prometteur. Le MC semble même vouloir prendre ses distances avec son label G.O.O.D. Music – pas de Kanye West, de Pusha T, de Desiigner ou de John Legend en vue - et les seuls rappeurs invités sur le disque sont Eminem, qui reprend sérieusement du poil de la bête, et les incontournables Migos. Pour le reste, c’est Big Sean qui s’y colle.
Disposant de moyens financiers au-dessus de la moyenne, la production de l’album est bien évidemment impeccable. Mais la question qui crucifie le projet est d'une simplicité dérangeante : comment Big Sean se démarque-t-il de la concurrence ? I Decided, projet égocentrique (et donc idéal pour prouver sa vraie valeur au micro), n'apporte pas la réponse. Pire, cette approche nouvelle se retourne contre Big Sean en exposant ses défauts, notamment le faible niveau de ses textes – très flagrant sur « No Favors » où Eminem balance des punchlines d’une autre galaxie tandis que Big Sean pédale dans la semoule.
Deuxième question existentielle : qui écoutera encore I Decided dans un an ? Le coup boost apporté par les singles « Bounce Back » et « Moves » s’épuisant lentement, on doute que le reste du disque dispose du souffle nécessaire pour lui permettre de rebondir dans les charts au cours des prochains mois. Mais ce qui est réellement préjudiciable c’est que, par moments, Big Sean se contente de reproduire les schémas qui ont fonctionné pour ses camarades en espérant naïvement décrocher le même succès – « Bounce Back » est une reprise de Juicy J, « Bigger Than Me » ressemble trop à ce que nous balance G-Eazy dernièrement puis un clip coloré et des pas de danse WTF pour « Moves », sérieusement, ça ne vous rappelle rien ?
Le statut d’underdog que revendique ouvertement Big Sean et qui lui colle à la peau depuis Finally Famous ne justifie aucunement de livrer une pâle copie de ce que font les autres ; un reproche qui, soyons honnêtes, suit Big Sean depuis ses débuts en 2011 et dont il ne parvient absolument pas à se détacher sur I Decided, et ce malgré quelques bonnes intentions. Ainsi, si on prend un peu de recul et si on porte un jugement froid sur les six dernières années de sa carrière, le constat est plutôt déprimant pour le principal intéressé : si Big Sean n'avait jamais existé, le rap US ne s'en serait pas plus mal porté.