Hybreed

Red Harvest

Cold Dark Matter Records – 2016
par Simon, le 30 juin 2016
8

Si le métal apparaît souvent comme une musique de niche en raison de sa violence et de son amour pour la discrétion (jusqu’à un certain stade), que peut-on dire à propos du métal industriel, sinon que ses formes et son esthétique rebutent un maximum ?

Si on admet aisément que des groupes comme Godflesh, Blut Aus Nord, Nine Inch Nails ou Ministry ont trouvé une place bien au chaud dans nos collections de disques, difficile de ne pas associer le métal-industriel à des choses plus crasseuses comme Fear Factory, Static-X, Rob Zombie ou Rammstein. Des gros riffs synthétiques, des guitares-basses qui claquent comme des bugs dans la matrice, des références steampunk plus ou moins cachées, le recours à des synthétiseurs (certains iront même jusqu’à y foutre des beats drum’n’bass) et à des batteries cliquées ; soit autant de griefs qui rendent difficile l’approche de cette musique par quelqu’un de bon goût.

Pourtant, et c’est bien le cas ici, certaines œuvres du genre fascinent. Ce Hybreed de Red Harvest est de celles-là. Sorti originellement en 1996 sur Voices of Wonder, le troisième album des Norvégiens ne connaîtra jamais vraiment le succès auquel on le destinait. De manière très étrange et alors que le groupe ne cessera de gagner en popularité par la suite, Hybreed restera toujours comme le sommet indépassable d’une formation qui deviendra très rapidement sa propre caricature. Ce disque divise et pose toujours débat sans qu’on en comprenne véritablement la raison. À nos yeux, Hybreed incarne une sorte de perfection dans le monde méconnu du métal-industriel, un équilibre parfait des qualités que le genre a à proposer, toutes rassemblées sans devoir nécessairement forcer le cliché pour convaincre.

Hybreed est tout d’abord un disque qui prend son temps - 80 minutes, tout de même. S’il prend son temps, c’est qu’il a des choses à proposer. Beaucoup de choses à proposer et parfois dans des genres un peu épars. On affronte souvent des monolithes de doom lent au goût d’acier, simples dans leurs structures, joués avec des guitares qui vont à l’essentiel et un chant magnifiquement en phase avec sa musique ; parfois on se prend dans les dents des titres plus rapides (la filiation avec Godflesh sera ici la plus évidente) pour un résultat quasiment hardcore du meilleur effet.

Narration obscure oblige, on a même droit à des litanies dark-ambient futuristes (le final quasiment acid de « In Deep » = <3) qui s’étendent à l’infini et à des effets électroniques discrets mais pertinents. Le coup de force de Hybreed tient donc dans l’équilibre de tout ça, dans le regroupement d’éléments divers, parfois répétitifs, sur un disque qui s’impose au final comme une chevauchée sombre et épique au pays de Néo et Morpheus. Une vraie belle histoire, certainement trop discrète au regard du succès qu’elle a collecté auprès de la scène à l’époque, et qui ressort des cartons pour se payer une deuxième jeunesse. Plus excitant encore qu’un livre dont vous êtes le héros.