Humbug
Arctic Monkeys
« Humbug » signifie à peu près « publicité mensongère » dans la langue de Molière, et plus précisément « une publicité qui trompe sur le contenu », ce qui arrive lorsqu’on obtient autre chose que ce pourquoi on a payé. Les Arctic Monkeys auraient-ils pris soin de tromper leur auditoire de la sorte ? Manifestement oui, car Humbug se distingue tellement de ses prédécesseurs que le fan moyen pourrait facilement en être déboussolé. Il suffisait de lire l’ennui dans les yeux des petites blondes venues écouter leur groupe préféré présenter leur plaque au Pukkelpop 2009 pour comprendre qu’elles n’étaient pas venues pour entendre ça. Désespérément immobiles (dégaine et humeur empruntées au Black Rebel Motorcycle Club sans doute), les garçons de Sheffield ont offert un set bien moins remuant que celui de l’édition 2006 qui consacrait Whatever People Say I Am, That's What I'm Not devant une foule boutonneuse en délire. Changement d’attitude, changement de ton.
Mais pourquoi un album si sombre ? La réponse se trouve peut-être au Rancho De La Luna, l’endroit mythique où furent enregistrées les Desert Sessions. C’est Josh Homme lui-même qui proposa aux Arctic Monkeys de produire leur album aux cotés de James Ford (Simian Mobile Disco). L’ambiance de la Mecque du stoner a manifestement déteint sur le son du groupe, le rendant nettement plus lourd et corrosif. Cela à de quoi surprendre de prime abord car la critique n’a jamais vraiment loué les Monkeys pour la complexité de leur son et de leurs arrangements. Mais pour une fois, ils semblent avoir fait certains efforts (ou avoir été bien aidés à coup de santiagues dans l’arrière-train) en introduisant ça et là un orgue ou des échos pour épaissir l’atmosphère (« Potion Approaching » « Dance Little Liar »). Ces éléments, qu’on retrouve traditionnellement dans le rock psyché, s’accordent plutôt bien avec le songwriting d’Alex Turner, qui se veut bien moins léger que sur les précédents albums. « Crying Lightning », premier single lancinant, est un bon exemple de changement puisque personne ne pourrait décemment le comparer à « Dancing Shoes » ou « I Bet You Look Good on the Dancefloor ».
Sur ce coup-là, les Monkeys ont joué gros. Certes leur son a gagné en qualité, mais leur public habituel va devoir s’adapter rapidement sous peine d’aller chercher le buzz ailleurs. Encore qu’il ne s’agit peut-être pas d’un problème. En effet, on peut se demander si l’enjeu d’Humbug n’est pas justement de faire connaitre le groupe à un public à l’oreille plus âgée (et plus exigeante) afin d’acquérir ses lettres de noblesse et de se débarrasser de cette réputation de teenage band qui leur colle à la peau. Si tel est le cas, il faut avouer que le groupe s’en sort plutôt bien car Humbug est bien plus abouti que les compilations de « singles Youtube » précédentes.
Sans vouloir se positionner au cœur du débat entre ceux qui pensent : « Les Arctic Monkeys sont des gamins à minettes » et ceux qui hurlent : « Les Arctic Monkeys sont les nouveaux Beatles », on dira simplement qu’ils ont pondu un album de rock à consonance psyché plus qu’honnête, qui, sans être un must du genre, à toutes les qualités pour plaire à l’amateur de rock raisonnablement cultivé. Le genre de galette qu’on aime se voir servir de la part d’un groupe qui ne devait pas survivre plus d’un an…