Hot Sauce
The Madcaps
À en croire certains, notre paysage musical s'assimile à une étroite mais profonde fosse à purin, si profonde qu’on ne peut même pas entrevoir la jolie clairière verdoyante la cerclant. Ce constat ne date pas d'hier, mais il ne faut pas beaucoup de neurones en état de marche pour comprendre que les choses sont autrement nuancées. Pas de malentendu: les majors continuent de publier quelques excellentes plaques et un artiste dépassant le million de vues sur YouTube n'attire pas automatiquement les bolosses et notre mépris. Mais à l'inverse, il suffit d'un peu se pencher pour découvrir sous notre nez une scène française fascinante, écumant les bars en quête de bière fraîche et de vrai rock'n'roll. C’est précisément cette scène que défendent et incarnent les Madcaps et leur maison-mère, Howlin Banana Records.
Le groupe fait une entrée remarquée dans ce petit monde il y a presque un an en publiant un premier album éponyme notamment réédité par la référence californienne Burger Records. Alors ni une ni deux, les quatre rennais ont directement repris les chemins du studio histoire de coucher sur bande ce qui constituera ce Hot Sauce. Et pas n’importe quel studio, puisqu’il s’agit de Kerwax, écurie bretonne spécialisée dans l’enregistrement 100% analogique.
Tout ce travail en cabine change la donne : loin d’être un simple revival, l’album est clairement en phase avec son temps, résolument moderne. Du garage à la française, à la coule, mais pas que. Car si certains titres efficaces comme "Too Big For Your Boots" dressent un portrait bien saturé des Bretons, les douze titres de Hot Sauce ne peuvent se résumer qu’à cela. On découvre ailleurs une facette beaucoup plus raffinée du groupe, résumée à merveille par "Rainy Day". Ce titre prend le pari osé de nous trimballer d’un Syd Barrett façon "Bike" à un Brian Wilson peaufinant les chœurs de son Pet Sounds pour finalement se conclure par un solo de guitare bien incisif comme il faut. Des bonnes idées, il y en a d’autres. Comme cette façon d’envoyer la basse en première ligne ou encore l’excellent solo de saxo en plein milieu de "Taco Truck".
Voilà, on ne parlera pas des deux ou trois titres décevants qui pêchent par manque d’originalité, car l’idée n’est pas là. En fin de compte, l'objet de cette chronique est autant d'adresser un petit poke aux Madcaps qu'à la flopée de groupes talentueux qui font vivre l'underground hexagonal et qui ne passeront jamais sur les chaînes nationales aux Victoires de la Musique. Mais c’est probablement beaucoup mieux ainsi.