Hood Billionaire
Rick Ross
« Y’en a un peu plus, je vous le mets ? » n’est certainement pas la phrase qu’aura le plus prononcé le boucher de Rick Ross cette année. Des fois que vous auriez pas suivi, le boss du Maybach Music Group a fondu comme neige au soleil ces derniers mois – merci les poires, il paraît. Par contre, quand ce sont ses habituels producteurs qui y sont allés d’un « Y’en a un peu plus, je vous le mets ? », on comprend vite que le père Rozay a rarement su dire non. Lui qu’on a déjà croisé sur une chiée de titres des copains en 2014, lui qui nous avait livré le très bon et très varié Mastermind début mars, lui qui agit en bon père de famille et se dit que si son compte en banque est déjà bien rempli, il a un entourage qui doit aussi vivre la good life dans son sillon. Une volonté de faire plaisir aux copains qui peut friser le ridicule, notamment en engageant cette baudruche de DJ Khaled au poste de A&R.
Après, on sait qu’on est ici en présence d’un pur produit de consommation de masse, et au final il vaut mieux le juger dans son ensemble que par la valeur de ses éléments constitutifs ou de ses architectes. Et ici, le constat est sans appel : malgré un retour aux fondamentaux et une avalanche de prods trap à souhait, Hood Billionaire est un disque extrêmement pauvre sur lequel tout ce qui a fait de Rick Ross un des poids lourds du rap jeu se transforme souvent en insupportable cliché. En effet, sur la forme, rien ne différencie Hood Billionaire de Teflon Don ou God Forgives, I Don’t, mais tout est ici exécuté avec une telle paresse que l’écoute de ce septième album studio ressemble vite à un long supplice – comptez quand même 18 titres si vous investissez dans la version deluxe.
Dans cette optique, la liste des griefs que l’on adresse à Rick Ross s’allonge assez vite : qu’il est insupportable d’entendre Rozay se poser en milliardaire du ghetto qui n’a probablement plus vu les trottoirs de son hood depuis des plombes, qu’il est énervant de le voir indigne de certaines productions pourtant excellentes de Metro Boomin ou Timbaland, qu’il est insupportable de constater l’indigence de certains beats retenus (quand on ne déplore pas d’impardonnables fautes de goût), qu’il est gênant de le voir courber l’échine devant les invités (Boosie Badazz lui fout bien la honte sur « Nickel Rock ») comme devant ses pairs (ok, Jay-Z en touche pas une, mais R. Kelly est dans une forme olympique), qu’il est rageant de l’entendre à quelques reprises seulement à son vrai niveau (sur « Elvis Presley Blvd. » et « Burn » notamment).
Alors que l’année 2014 aura été bien calme pour le MMG (Meek Mill vient de sortir de prison, Gunplay et Wale peinent à confirmer), on comprend aujourd’hui que d’un point de vue purement commercial, elle a dû reposer sur les seules épaules du patron – car oui, malgré ses nombreuses qualités, il ne devrait pas s’écouler des millions d’exemplaires de l’excellent Ohio de Stalley. Bref, Rick Ross a beau être le boss, c’est la crise pour tout le monde. Après, il en ira de ses carrière comme l’équipe allemande de foot: à la fin, c’est toujours Rick Ross qui gagne (beaucoup d’argent) et dans le rap game, c’est probablement plus important que la qualité des albums.