Honeymoon

Lana Del Rey

Interscope – 2015
par Maxime, le 7 octobre 2015
7

Il est intéressant de constater que malgré sa présence quasi continue dans le paysage musical depuis quatre ans, nous n'avons jamais pris le temps (si l'on excepte une poignée de news un peu fainéantes) de nous pencher sur le cas Lana Del Rey. Oubli réparé avec ce papier sur Honeymoon, disque qui tient le haut du pavé de l'actu automnale.

Et la première chose que cet album nous confirme, c'est que l'Américaine n'est pas, comme on aurait pu le croire à la sortie de "Video Games", un épiphénomène hype programmé pour durer une saison avant de disparaître. Cela peut paraître anecdotique aujourd'hui mais ce n'était pas gagné à l'époque et, en trois long formats, la belle a réussi à confirmer qu'elle était une artiste maîtresse de ses choix, avec un univers très personnel et une vraie vision artistique.

Petit retour en arrière : en 2012 la chanteuse accouche d'un Born To Die couvert de platine dont les tubes objectivement très réussis ("Video Games", "Blue Jeans", "Born To Die") peinent à cacher le vide causé par une flopée de titres inutiles. Voulant rapidement faire remonter ses points de street cred, la diva s'entoure de Dan Auerbach des Black Keys, qui produit de bout en bout Ultraviolence, disque sombre et beaucoup plus solide que le précédent. On a alors compris que la jeune femme était capable de tenir son rang sur la durée d'un LP, révélation qui se confirme aujourd'hui avec Honeymoon.

Revenant sans être vraiment partie (la sortie d'Ultraviolence date d'il y a à peine seize mois), Lana Del Rey nous livre un disque entre chien et loup qui convoque les figures tutélaires de l'imagerie pop, de Bob Dylan à David Bowie en passant par Billie Holiday. Fidèle à elle-même sur le fond comme sur la forme, la songwriter (rappelons qu'elle écrit toutes ses chansons) se fait langoureuse à souhait dans un écrin orchestré, tout en évitant de tomber dans l'emphase. Les singles éthérés "High By The Beach" et "Music To Watch Boys To" se bonifient au fil des écoutes, comme l'ensemble de cet album tout en langueur.

Écoutées distraitement, les chansons d'Honeymoon pourraient paraître se ressembler dans leur construction (on n'empêchera pas les mauvaises langues de dire que l'Américaine chante toujours le même morceau). Pourtant il y a quelque chose d'attirant, de presque sensuel, à entendre Lana butiner des influences dans différents styles pour nourrir sa propre musique. La sirène se fait jazzy sur "Terrence Loves You", se laisse porter par des effluves italo-disco sur le très beau "Salvatore", convoque Tori Amos et Kate Bush sur le splendide "The Blackest Day" ou revisite la trap façon minimaliste dans "Art Deco". Et là où d'autres frôleraient le claquage à faire un tel grand écart, elle affiche une décontraction affolante et réussit le tour de force de ne jamais dévier de sa ligne directrice.

La lune de miel n'est pourtant pas totalement idyllique car la galette contient son moment de faiblesse, la reprise finale de "Dont Let Me Be Misunderstood", qu'on évitera pudiquement de commenter plus avant de peur de gâcher la croisière - on vous conseillera plutôt daller revoir Kill Bill volume 1 pour en écouter une grande interprétation. Mais ne faisons pas trop les mauvaises langues: cela n'altère en rien les grandes qualités d'un album qu'on n'a pas fini d'écouter, en espérant que Lana Del Rey continue encore longtemps de creuser son délicieux sillon rétro.