Honey

Caribou

City Slang – 2024
par Jeff, le 17 octobre 2024
7

Cela fait tellement longtemps que Dan Snaith fait partie de nos vies qu'on avait oublié qu’à l’époque du premier album de Caribou à avoir fait parler de lui, Andorra en 2007, les influences étaient plutôt à aller chercher du côté de la dream pop et du rock psyché. Nous sommes en 2024, et le seul véritable point commun que l’on peut trouver avec ce Honey, c’est le label sur lequel il sort, City Slang. Car la suite de sa carrière aura été un parcours à la constante sinuosité, fait d’escapades sous alias (son alter ego club Daphni), de conversions à de nouveaux genres et de retours aux sources IDM ou folktronica, quand il se faisait encore appeler Manitoba. En prenant du recul, on prend alors conscience de la schizophrénie qui anime Dan Snaith, incapable de compartimenter ses passions. Mais que celles et ceux qui s’inquiétaient pour sa santé mentale se réjouissent : pour la première fois, toutes ces personnalités cohabitent harmonieusement sur un seul et même disque.

Honey condense toutes les influences de Dan Snaith dans un album euphorique et joyeux. Il y a celle des copains, Four Tet et Floating Points en tête. Ces trois-là partagent une vision assez similaire de la musique électronique, et cela s’entend sur leurs derniers albums qu’ils ont tous sortis cette année. Mais à cet exercice, c’est Dan Snaith qui s’en sort peut-être le mieux : sa musique est souvent club, mais les formats restent pop. Quant à la narration, elle est réussie avec ses airs de rollercoaster qui nous fait passer pas tous les états et ne nous ennuie pas – et quand il le fait, comme sur le fadasse « Campfire », on soupçonne que c’est pour donner encore plus d’impact à « Climbing », gros banger house qui n’aurait certainement pas fait tâche chez Alan Braxe & Fred Falke.

Mais Honey est aussi un disque qui rend hommage à la musique avec laquelle le Canadien a grandi : les mythes formateurs d’abord, avec ce « Volume » dont on ne sait trop si c’est une reprise, un remix ou une réinterprétation du « Pump Up The Volume » de M|A|R|R|S. Il y a aussi cette bass music que chérit Dan Snaith mais qu’il a toujours pris soin d’intégrer de manière discrète ou marginale dans sa musique. Cette fois, elle débarque frontalement sur le refrain de cette plage-titre folle, peut-être le son le plus club jamais produit par le bonhomme. Et puis enfin, on trouve un peu partout dans le disque des clins d’œil à de précédentes incarnations de Caribou, comme pour mieux nous renvoyer à cette pluralité qui a toujours été au cœur du projet (« Come Find Me » fonctionne ainsi comme un écho au tubesque « Can’t Do Without You » de 2015).

D’un bout à l’autre de ce sixième album sous l’appellation Caribou, on observe le soin avec lequel Dan Snaith fait la synthèse d’une carrière irréprochable, jamais dans la démonstration et toujours dans le partage. On réalise aussi combien son insatiable curiosité aura su le mener loin, jusqu’à devenir aujourd’hui cet artiste complet dont on ne voudrait certainement pas qu’il s’arrête, mais plutôt qu’il abandonne une bonne fois pour toutes les pseudos. Car si Honey nous démontre bien une chose, et avec la manière qui plus est, c’est que Dan Snaith a pris le dessus sur tous les personnages qu’il s’était créés. Le premier jour du reste de sa carrière?

Le goût des autres :