Honest

Future

Epic – 2014
par Aurélien, le 30 avril 2014
8

Enfin entendre une arlésienne, c'est toujours un grand chamboulement dans mon cœur. Comme quand j'étais gamin face à mes cadeaux de Noël: il y avait de l'appréhension, et surtout la crainte de ne pas avoir été suffisamment sage pour mériter le Graal. Ce genre d'excitation laisse souvent peu de place aux concessions. Elle m'a d'ailleurs valu par le passé de finir roulé en boule dans le RER après m'être enquillé Yeezus, d'avoir rappelé mes ex après avoir entendu Nothing Was The Same et d'avoir organisé une soirée au KFC après un séance de Mastermind. En ce qui concerne Future par contre, n'étant pas tout à fait convaincu de sa capacité à sortir un vrai gros disque, je manquais de projets. Ce n'est qu'après avoir parcouru son Honest que la chose m'est apparue comme une évidence: avec un truc pareil dans les oreilles, je ne pouvais aller ailleurs qu'à la messe.

Petite précision sur le genre d'église à laquelle je me suis rendu néanmoins: sur l'autel, point d'hostie, d'eau bénite ou de crucifix. Plutôt un gros paquet d'icônes païennes, quelques grammes de dope, et surtout beaucoup d'amours et d'amitiés brisées. Et puisqu'un prêtre thug ne serait rien sans sa chorale, MikeWillMadeIt, Sonny Digital et Nard & B (tous trois déjà responsables de quelques unes de ses plus grosses frappes sur Pluto), ainsi que les omniprésents 808 Mafia et Metro Boomin ont tous répondu à l'appel. Du pain béni pour mettre en son cette grand messe à la fois profondément frontale et délicieusement introspective.

Plus fragmenté qu'un vitrail d'église, Honest compose en permanence avec le côté colosse au cœur de guimauve de son géniteur. Tantôt fort comme Manuel Ferrara (l'anthem matérialiste "Covered N Money"), tantôt canard softcore (l'ode aux formes de sa femme Ciara "I Won"), Future est dans le grand écart permanent. Sans jamais se trahir, l'homme prêche à l'autotune, harangue les fidèles d'une paroisse dans laquelle il apparaît magistral, emporté et à la fois terriblement plus introspectif que sur son précédent album. Ce qui ne facilite pas à la tâche aux nombreux invités venus s'amuser sur cette aire de jeu paradisiaque – exception faite d'un André 3000 qui demeure l'ultime homme à tout faire de ce foutu rap jeu sur un "Benz Friends" plus prenant qu'un gospel de la Nouvelle-Orléans.

Qu'on apprécie ou non la variété de Honest, le disque prend des allures de Nouveau Testament dans la discographie encore bancale de Nayvadius Cash. Certes, tout n'y apparaît pas encore complètement abouti. Et oui, parfois ça sent tellement le faisandé qu'on se demande encore ce qui a bien pu se passer sur "Never Satisfied" et "Side Effects". Mais la mosaïque est aussi stellaire que le plaisir qu'elle provoque est coupable, et Honest demeure à ce jour le kaléidoscope le plus fidèle de tout ce qui, de Dirty Sprite jusqu'à No Sleep, à su nous toucher chez l'extraterrestre d'Atlanta. Peut-être pas une réussite totale, mais au moins un bel album à la Take Care qui s'offre de jolies parenthèses émo et une belle brochette de tubes imparables qui achèveront de nous mettre des papillons dans le ventre. 

Le goût des autres :
8 Jeff 2 Tristan