Hold a Match for a Gasoline World
Luke Temple
Pour tout mélomane boulimique qui se respecte, Internet est probablement l’une des plus belles inventions de ces dix dernières années : outre la possibilité d’écouter, échanger, discuter de musique, il peut surtout découvrir un nombre incalculable d’excellents groupes et labels que même le plus informé et compétent des disquaires ne pourrait lui recommander. On n’enlèvera évidemment jamais à ce drogué compulsif l’envie de fouiller le moindre bac à la recherche de la perle, du groupe qui lui passera momentanément l’envie de repartir à la chasse. Mais qu’importe la manière, l’endroit ou le support, ce qu’il désire par-dessus tout, c’est d’être submergé par ce sentiment quasi jouissif quand, au hasard d’un recherche absolument anodine, voguant de page en page, il tombe sur ‘le’ titre qui éveille instantanément en lui le désir d’en savoir beaucoup plus. C’est exactement ce qui est arrivé à l’un de mes amis qui, bouleversé par sa découverte, s’est empressé de m’envoyer un lien vers quelques titres de ce parfait inconnu qu’est Luke Temple. Une chose est sûre : une courte écoute suffit pour comprendre que la musique de ce jeune songwriter, signé sur le petit label Mill Pond, dégage une impression de sincérité et de naturel qui ne laisse pas indifférent.
Pour rester simple, disons que Luke Temple partage bon nombre de ressemblances avec des artistes comme Elliott Smith ou Ryan Adams et que les albums des virtuoses que sont Simon & Garfunkel et Nick Drake doivent occuper une place de choix dans sa discothèque : même écriture racée et épurée, même voix chaude et douce, mêmes arrangements d’une apparente simplicité. Mais on sait qu’ils sont nombreux les singer/songwriters sortis des tréfonds de l’Amérique revendiquant d’aussi nobles influences, que cette Amérique-là est un inépuisable vivier de talents et que l’offre dépasse souvent la demande. Face à une telle situation, l’amateur n’a d’autre recours que de se laisser guider au gré de ses coups de cœur. Luke Temple en est un : oscillant entre ritournelles folk incroyablement accrocheuses (‘Someone, Somewhere’), comptines d’une beauté renversante (‘Make Right With You’) et ballades poignantes (‘To All My Friends Goodbye’ ou ‘Only a Ghost’), Luke Temple n’a besoin que d’une cinquantaine de minutes pour montrer à qui veut bien l’entendre (c’est-à-dire à trop peu de gens à l’heure actuelle) l’étendue d’un talent et d’une maturité impressionants.
Justesse vocale, parfait dosage des émotions et richesse mélodique sont les atouts de cette petite perle. Avec Hold a Match For a Gasoline World, Luke Temple nous gratifie d’un disque intemporel et attachant comme seule l’Amérique profonde peut en produire. Plus que conseillé donc.