High Violet
The National
Écouter un album de The National au mois de juillet, c’est un peu comme se faire attaquer à la boule de neige sur Sunset Boulevard : c’est aussi surprenant que refroidissant. Car si une plaque se fout généralement du temps qu’il fait dehors, entendre Matt Berninger vous raconter qu’il pleut des cordes sur les docks de Long Island à l’instant même où vous croisez un groupe de pin-up en complet « Ray-Ban et robe légère », ça a de quoi donner des envies de meurtre, ou pire, des envies de laisser High Violet dans sa boite pour sortir Pet Sounds et un mojito. Tout ça pour dire qu’il y a des albums de saison et que celle-ci n’est pas la bonne pour High Violet. Alors, faisons comme si nous étions un jour pourri de novembre, avec son tapis de feuilles mortes et ses cafés enfumés.
Première constatation: ils en ont fait du chemin les gars de The National ! Après les débuts timides dans les pubs new-yorkais, et malgré le buzz ronronnant ayant accompagné Sad Songs for Dirty Lovers en 2003, il aura fallu attendre Alligator pour que le groupe des frères Dessner parvienne à se hisser – tout de même – au niveau médiatique d’un Arcade Fire. Surfant sur le renouveau cold wave aux cotés d’Interpol et d'Editors, le fantastique Boxer viendra définitivement graver le nom du groupe au panthéon des incontournables de l’indé, devenant par la même occasion ‘meilleur album de l’année’ pour pas mal des grands satellites de la blogosphère. Fort de cette renommée nouvelle, le groupe orchestre l’indispensable Dark Was The Night qui synthétise l’ensemble d’une scène en deux plaques, et pour la bonne cause en plus.
Enchaîner proprement dans ce contexte d’activité intense relevait de la gageure. Mais la solution est certainement à trouver dans un agenda au poil ; serré mais étalé sur la durée : High Violet est en gestation depuis décembre 2008, ce qui implique que, malgré les projets de chacun, il a aussi eu le temps de mûrir en fûts de chêne avant d’être servi froid sur vos terrasses ensoleillées. C’est d’ailleurs cette assurance de la maturité qui permet au groupe d’asseoir sa prose sur des titres plus sobres – autant que l’on puisse l’être dans ce genre déjà très simple – et des pistes aussi raisonnablement plus longues qu’à l’accoutumée. En renonçant au format radiophonique, The National s’éloigne de la production de singles communicatifs comme c’était le cas sur Boxer et revient à ses fondamentaux. Pour autant le fond ne change pas : c’est toujours des amours torves (« Terrible Love »), de la paranoïa (« Afraid of Everyone ») et de la solitude (« Little Faith ») dont il est question, des guerres injustifiées (« Lemonworld ») et de la plastique altérée d’une Amérique plus trop sûre d’elle-même en général.
C’est donc en toute élégance que High Violet vient confirmer la puissance évocatrice de The National. Sans fioritures et sans éclats, le groupe nous propose un album solide et soigné qui colle parfaitement à ce qu’on pouvait en attendre. Plus sombre peut-être que ses prédécesseurs, il n’en est pas moins interpellant et incisif, à l’image d’une formation qui a su maintenir le cap dix ans durant sans osciller pour un sou. Mais qu’on se le dise : cette plaque ne se laissera écouter adéquatement qu’à la morne saison!