High Life
Brian Eno / Karl Hyde
Il y a quelques mois, nous étions plusieurs membres de la rédaction à vouloir chroniquer le nouvel album de Neneh Cherry, produit par Four Tet. Le problème, c’est que personne ne se sentait les épaules suffisamment larges pour se lancer dans un papier qui, vu notre jeune âge, passerait forcément à côté des moments-clés de la carrière de la Suédoise, figure à la fois marginale et incontournable de l’industrie musicale. Par peur de se faire incendier par la frange la plus âgée de notre lectorat qui aurait mal digéré d’inévitables approximation, on a laissé tombé l’affaire, conscients que l’on passait sous silence un disque de qualité assez exceptionnelle, et d’une liberté folle.
Cette erreur, on ne la reproduira pas avec High Life, album du duo Karl Hyde / Brian Eno pour la maison Warp. Parce qu’au final, de ces deux protagonistes aux impressionnants CV, on ne sait finalement pas grand chose – voire presque rien. De Karl Hyde, on sait qu’il est la voix d’Underworld, et on kiffe tous « Born Slippy », mais qui peut se targuer de maîtriser une discographie dont le chant du cygne a été entamé avec Beaucoup Fish en 1999 – à cet égard, on vous préviens déjà de mettre quelques euros de côté pour investir dans la réédition de dubnobasswithmyheadman (1994) à venir. Quant à Brian Eno, si l’auteur de ces lignes est familier avec son travail sur les albums de Roxy Music ou The Talking Heads, ne commencez pas à le questionner sur l’influence de l’Anglais sur la musique ambiant ou sur les 346 autres trucs auxquels il a collaboré en quarante années d’une richissime carrière.
Mais voilà, c’est peut-être cette méconnaissance quasi-totale mais complètement assumée du sujet qui permet peut-être d’appréhender ce disque avec tout le détachement qu’il mérite. Sans intellectualiser le propos à l’extrême, sans écouter le précédent album du duo sorti sur Warp il y a quelques mois seulement et pas vraiment accueilli dans un concert de louanges. Pourtant ici, difficile de ne pas tomber à la renverse devant une musique qui dégage une telle impression de liberté, totale mais totalement maîtrisée. Enregistré en cinq jours seulement et dans des conditions proches du live, ce disque est l’affaire de darons qui maîtrisent leur sujet. Travaillant sur des motifs répétitifs à l’extrême où les guitares jouent un rôle prédominant, et pompant pas mal du côté de ces ambiances africanisantes qu’on sait chères à Brian Eno, les deux Anglais livrent une galette où pop, drone et ambiant se chevauchent et se superposent, où la vieille garde semble plus jeune que jamais.
High Life est une véritable démonstration de force tranquille, qui rend des musiques souvent considérées comme difficiles très accessibles. Un disque qui ouvre grand les fenêtres et laisse entrer la lumière là où d’autres se complairaient dans une obscurité pas forcément créatrice. Avec des discographies comme celles de Brian Eno et Karl Hyde, difficile de savoir par où commencer. Mais High Life est un bon point de départ parmi tant d'autres. Et si ce disque ne peut en rien être représentatif de leur glorieux passé, il sert au moins à rappeler combien ces deux hommes sont géniaux.