Hesitation Marks
Nine Inch Nails
Josh Homme confiait récemment dans une interview que la seule personne qui l’a vraiment aidée durant la période difficile qui a précédé la sortie de Like Clockwork... était Trent Reznor. Une connexion que l’on peut prolonger avec la sortie cette année de l’album du retour pour les formations phares des deux baraqués, deux albums annoncés comme un retour aux sources et conviant invités plus ou moins improbables. Et autant le dire tout de suite, à la première écoute de Hesitation Marks, comme à la première de Like Clockwork..., ce n’est pas l’excitation des grands jours que l’on ressent. Josh Homme a failli crever sur le billard, vie de bâton de chaise oblige, et le gars Trent se marie et fonde une famille après avoir fait de même pendant des années, ce qui pour ceux et celles qui le suivent depuis déjà deux décennies aurait pu évoquer peu ou prou la même chose qu’une mise en bière. Un peu comme si Vladimir Poutine faisait son coming out dans un camp de réfugiés syriens, un truc qu’on n’aurait même pas oser imaginer. Et pourtant. On se doutait bien, malgré l’annonce de la fin de NIN, que c’était du provisoire surtout au vu de la tournée de pseudo-adieux qui a suivi, ce bon vieux Reznor manifestant à chaque concert une envie de bouffer du brachiosaure comme au bon vieux temps de la VHS et de l’improbable Woodstock ‘94.
On se sera donc dans un premier temps réjouit à la simple officialisation du retour de la machine de guerre NIN, ce qui en clair nous débarrasse au moins momentanément des errements plus que fadasses de How To Destroy Angels et des couinements insipides de Madame Reznor. Après une campagne de com bien moins lourdingue et bien plus subtile, généreuse (et sans doute bien moins onéreuse) que celles de nos présupposées gloires nationales Daft Prout et Faitnix, Reznor aura un nouvelle fois montré qui est le boss en matière de communication sur le waibe.
Et cet album du retour me direz-vous ? Eh bien, à première vue, une déception : le casting annoncé au départ n’apporte rien (alors qu’Adrian Belew avait beaucoup apporté sur les albums historiques), et on retrouve cette impression un peu gênante, comme sur The Slip et les productions de How To Destroy Angels, d’un cuistot qui vous ressert toujours la même ratatouille. La production est certes plus dépouillée, il y plus de sonorités électroniques, moins de jeux de textures, mais surtout moins de souffle, et des structures et des effets que l’on connait par cœur. Les morceaux quant à eux sont assez faibles, il faut bien le dire. Du moins au vu de ce que l’on est en droit d’attendre d’un mec qui a sorti Pretty Hate Machine, Broken, The Downward Spiral, ou The Fragile. C’était il y a bien longtemps tout ça vous me direz, pourtant Year Zero, le projet Ghosts et surtout les BOF nous avaient montré que le gars Trent en avait encore sacrément sous la pédale et qu’il pouvait toujours nous surprendre. Mais pas cette fois malheureusement.
Echec donc ? Et bien pas complètement, et là encore, on fera le parallèle avec Like Clockwork... Hesitation Marks, il faut le prendre comme l’album des retrouvailles. Comme quand vous retrouvez un amour de jeunesse. Vous avez changé, les choses ont changé mais il y a une espèce de nostalgie irrépressible qui vous assaillit et vous fait voir les choses d’une manière peu objective. Vous sentez bien que tout ça n’a pas la même saveur mais vous n’osez pas le dire et au final vous vous vautrez dans un sentiment d’engourdissement qui, si vous n’y prenez garde, aura raison de votre raison.
L’entame est plutôt efficace avec « Copy of A » et « Came Back Haunted » que l’on connaissait déjà (où l’on retrouve ce pitch bending si caractéristique). Des titres taillés pour la scène. « Find My Way » ou « Running » sont en revanche le type même de morceaux qui mériteraient plus de se retrouver sur une face B que sur album. Les trois vraies surprises se trouvent elles en pistes 5, 7 et 8 avec un « All Time Low » presque funky (enfin toutes proportions gardées), avec des voix de têtes assez inhabituelles chez Reznor. Un « Everything » lui carrément pop malgré ses guitares stridulantes, une sorte de croisement entre le Cure de Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me et le Dinosaur Jr de « You’re Living All Over Me », et un « Satellite » que ce bon vieux Prince ne renierait pas. Au final pas de grand titre emblématique pouvant prétendre à rentrer dans le cercle des standards, pas de grosse claque, un album qui se laisse écouter et qu’on écoutera plusieurs fois encore, mais sans doute pas trop non plus.
Alors ce que l’on souhaite pour la suite, car il est désormais certain qu’il y en aura une, c’est que le gars Trent prenne le temps de construire un album plus fouillé et plus ambitieux que ce Hesitation Marks qui, même s’il fait le boulot et comporte son lot de titres efficaces, ne possède pas la force tellurique des classiques. Un album qui ne peut que décevoir, car nos attentes étaient très élevées, et que l’on tolère mal la médiocrité pour certains. On mettra donc sur le bulletin « élève doué mais ne doit pas s’endormir sur ses lauriers », et on attend la suite avec autant d’impatience.