Hero
Bölzer
Vous avez probablement déjà expérimenté cette magnifique sensation d’être confronté à un groupe dont le premier titre entendu vous a cassé la gueule. Pas simplement le coup de foudre, on parle du level supérieur ici, du véritable coup de batte dans le crâne. On se souvient d’ailleurs souvent du lieu, de la luminosité, de la chaleur et de tout le contexte en place au moment où la leçon a été donnée. Comme pour des milliers d’autres plus ou moins au même moment, ce « Entranced By The Wolfshook » a été un mur impossible à éviter, une sorte de torrent qui a littéralement tout arraché autour de moi, redéfinissant les contours d’une musique que je pensais pourtant connaître par cœur. Dans ma conception du death metal moderne (entendez croisé avec des éléments de black), il y a aujourd’hui un avant et un après Bölzer.
Aura a très logiquement été un carton et la venue du deuxième EP (Soma) n’a fait que confirmer, à tort peut-être, une montée en flèche absolument historique du duo suisse. Toute la communauté metal a suivi ces deux barbus aux tatouages mystiques (et parfois discutables), jusqu’à devenir le groupe le plus attendu de la sphère indé. Deux ans plus tard, là où les deux EP s’étaient succédés en 2013 et 2014, voici l’heure du premier long format. L’heure du véritable test, celle de la certitude de tenir un futur classique pour peu que le groupe tienne sa ligne de conduite. Et c’est là que le miracle se produisit, Bölzer a évolué. Radicalement. Tellement qu’on pourrait même ne plus les reconnaître. L’effet est immédiat auprès d’une communauté death metal qui, quand elle veut, peut être aussi rigide qu’un fan hardcore de Warhammer.
Pourtant, ce Bölzer nouveau est rempli de qualités. À un point tel qu’après une trentaine d’écoutes, on ne lui trouve pas vraiment de défauts. On doit saluer ici l'audace et la bravoure : le groupe a redistribué les cartes alors qu’il tenait un carré d’as, tout ça pour jouer la quinte flush royale. Cela passe par la suppression quasi intégrale du chant guttural, ce qui, pour un groupe étiqueté blackened death est déjà une révolution. À la place, on retrouve un chant clair, instable et souvent proche des envolées produites par Mastodon. Les guitares et les parties de batterie ont également subi leur lot de changements et elles se présentent aujourd’hui comme plus minimalistes, simplifiées. Cela donne bien plus de lisibilité au tout et montre sans détour une composition brute - quoique très affinée. Quand les masques tombent, il n’y a plus moyen de se cacher et c’est souvent là qu’on reconnait le talent. Enfin, les arrangements vont chercher les derniers haters dans leurs chaumières en proposant des atmosphères prog, sludge et gothiques.
Hero est donc ce disque qui ne peut que polariser son audience – le duo en fait d’ailleurs pas mal les frais – mais il est surtout un disque brillant par son humanité, sa volonté de vivre son histoire totalement, quitte à commettre, ci et là, des légères erreurs d’appréciation. Bölzer s’affiche de nouveau comme un groupe fort, possédant un ADN véritablement unique qu’aucune hype n’a réussi à embrigader jusqu’ici. Un groupe qui se fout pas mal du regard qu’on peut porter sur lui pour un album aux couleurs assez inédites. L’archétype du disque qui grandit en toi à mesure que passent les écoutes. Pour ça, il faut faire le choix de la patience et dieu sait que cela nous a réussi.