Here
Edward Sharpe & the Magnetic Zeros
Si le succès d'Edward Sharpe & the Magnetic Zeros est ce que l'on pourrait qualifier d'honnête de ce côté-ci de l'Atlantique, il en est toute autrement chez nos gras cousins d'Amérique. En effet, au pays de l'Oncle Sam, le groupe bénéficie d'une reconnaissance autrement plus impressionante, il est vrai due en grande partie au matraquage dont a bénéficié le titre "Home": publicités, génériques, séries télé (Community ou Gossip Girl pour ne citer que celles-là), rien ou presque n'a résisté au caractère bon enfant et carrément universaliste de "Home". Déjà à sa sortie et bien avant l'explosion du groupe, nous n'avions pas manqué de souligner les nombreuses qualités du reste du disque, Up From Below, qui faisait sérieusement penser à une version hippie et positiviste du Funeral d'Arcade Fire. Et c'est probablement ce dernier point qui fait d'Edward Sharpe & the Magnetic Zeros un groupe qui a tendance à exaspérer. On ne parle pas des emprunts au meilleur album de la troupe à Win Butler (sinon ils seraient nombreux sur le banc des accusés) mais plutôt de cette image de troubadours des temps modernes, adeptes de la vie en communauté, grands consommateurs de guêtres, abuseurs de la fumette, amoureux transis de l'amour et semblant traiter leur prochain avec autant de compassion que Mère Thérésa devant un lépreux albinos atteint de mucoviscidose.
Pourtant, s'il est bien une chose qu'on ne peut reprocher à la joyeuse troupe californienne, c'est de forcer le trait ou de surjouer le côté 'tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil'. Ce trip hippie 2.0; qui évoque forcément les débuts de Devendra Banhart, Edward Sharpe et les siens le vivent pleinement. Tant que la musique est bonne vous allez me dire… Et justement, parlons-en un peu de musique. Here est en fait la première partie d'une sorte de dyptique que nous livrera le groupe en 2012. On sait combien ce genre d'idée peut se révéler foireuse et pompeuse. Il n'en sera rien avec Edward Sharpe & the Magnetic Zeros. Tout d'abord parce que Here n'englobe pas un concept fumeux et qu'ensuite, le disque, sans être à la hauteur des attentes, ne déçoit nullement. Ainsi, alors qu'on s'attendait à ce que les Américains poursuivent dans cette veine un brin maximaliste et particulièrement généreuse exploitée à merveille sur Up From Below, il rétrogradent de quelques vitesses et nous livrent un Here plus folk et ensoleillé que jamais. Le genre de galettes qui cherche l'espace à tout prix, qui laisse entrer les courants d'air dans une pièce où l'atmosphère serait vite devenue irrespirable si les dix membres du collectif décident de faire exploser la boîte à suggestions. Alors, autour du binôme Alex Erbert / Jade Catrinos, on tisse des mélodies légères, printanières même, qui se sifflotent et se chantonnent là où des titres comme "40 Day Dream" sur Up From Below vous foutait une sérieuse envie de beugler le refrain en chœur en étreignant son voisin dans un déluge d'amour fraternel.
Certes léger, Here n'est pas autant un disque qui s'oublie vite. C'est même plutôt le contraire. Ainsi, si on exclut un "Fiya Wata" qui se prend les pieds dans la carpette en voulant se la jouer soul (et c'est dommage car c'est le seul qui met vraiment en évidence Jade Castrino), tous les titres de ce second album sont plutôt du genre à vouloir briguer un CDI dans vos méninges – on vous conseille "Man on Fire", "Mayla" et "That's What's Up" si ne savez vraiment pas par où commencer.