Head in the Dirt
Hanni El Khatib
La première (et peut-être la seule) question qu'il convient de se poser après une écoute de ce nouvel album d'Hanni El Khatib, c'est de savoir si il s'agit d'un disque du songwriter californien ou d'un nouvel album des Black Keys. En effet, si l'on s'était réjoui de l'annonce du partenariat Dan Auerbach / Hanni El Khatib sur le nouvel effort de ce dernier, on était loin d'imaginer un résultat aussi proche de ce que nous livre depuis maintenant quelques années le duo d'Akron. Evidemment, pour ceux qui suivent les carrières des Blacks Keys et d'Hanni El Khatib depuis leurs débuts, cela suscite des interrogations légitimes. Car si il aura fallu plusieurs albums et quelques années aux Black Keys pour devenir les apôtres d’un son qui fait très « le rock garage pour les nuls », on ne pensait pas qu’Hanni El Katib profiterait de sa rencontre avec Dan Auerbach dans un bar parisien pour se laisser emmener sur des terrains de jeux extrêmement lisses là où son Will the Guns Come Out, malgré toutes ses imperfections, flairait bon cette Amérique « des bouteilles dans des sacs en papier, des tatouages à la fourchette, des mecs qui respectent leur femme du plat de la main et des SDF poussant des caddys sur le bas-côté de l’autoroute ».
Encore aujourd’hui, après de nombreuses écoutes de Head in the Dirt, on ne sait toujours pas si il faut considérer ce changement de cap comme une arnaque ou une bénédiction. Et ce doute qui nous habite, il faut probablement l’imputer à la qualité de pas mal de titres ici présents. Parce que vous allez certainement hurler au scandale à la première écoute de ce second album, maudire Dan Auerbach et sa production clinquante (il a bien retenu les leçons de sa collaboration avec Danger Mouse) et promettre qu’on ne vous y reprendra pas. Pourtant, rapidement, des mélodies que vous avez conchiées quelques heures plus tôt vont se mettre à trotter dans votre caboche, remettre certains de vos doutes en question. Puis sans trop savoir pourquoi, vous allez relancer la lecture du disque, que vous aurez certainement téléchargé illégalement parce qu’on vous en a dit beaucoup de mal. Vous allez continuer à sentir une sorte de gêne à l’écoute de ce rock garage pour gamines de 16 ans qui sent davantage le Coca que le Whisky. Vous vous demanderez ce qu’un titre comme « Penny » peut bien foutre là, en n’imaginant pas que vous siffloterez le refrain sans vous en rendre compte quelques heures plus tard. Vous allez tenter d’approfondir vos écoutes, alors que ce disque semble avoir été fait pour une digestion sans encombres. Mais au bout du compte, après des écoutes pleine d'ambiguïté, vous allez peut-être envisager d’investir dans Head in the Dirt. Et Hanni El Khatib aura gagné, le salaud.