Havilah
The Drones
Je ne sais pas vous, mais moi, lorsqu'on me balance le nom d'ATP, j'ai généralement à l'esprit des groupes dont la fonction première est de faire un vacarme pas possible, non sans un certain talent faut-il le préciser. Ce jugement est probablement influencé par le festival du même nom, dont le label est une extension et dont les affiches font souvent la part belle à une musique aventureuse et jamais avare en déflagrations électrisantes. Pourtant, ce serait oublier que labels comme festivals sont également un refuge de luxe pour folkeux et indie-rockeurs de tous poils, une catégorie dans laquelle il convient d'ailleurs de classer The Drones.
Groupe australien à la réputation plutôt bien établie dans son pays d'origine, The Drones mène timidement sa barque partout ailleurs, faisant finalement figure de petit poucet à côté de compagnons de label aussi prestigieux que Deerhoof ou Fuck Buttons. Tellement timidement d'ailleurs que Havilah est déjà leur cinquième album mais qu'ils seront rares dans votre entourage à pouvoir vous parler du groupe, à commencer par votre fidèle serviteur qui le découvre. Et s'il est vrai que les connaisseurs de la formation pourront probablement vous en parler mieux que moi, il ne faut pas être une encyclopédie du rock indépendant sur pattes pour instantanément reconnaître à The Drones d'évidentes qualités. Comme le nom du groupe ne l'indique pas, la formation emmenée par Gareth Liddiard est portée d'affection pour une musique sombre et tendue, alternant passages d'une inquiétante noirceur, explosions soniques et longs moments de bravoure guitaristique héritée du blues. Au petit jeu des références, on pourrait alors vous citer sans trop se mouiller Neil Young, Bob Dylan ou Nick Cave, mais ce serait un peu trop facile, et surtout, ce ne serait pas rendre justice à un groupe qui dépasse le cadre strict de l'hommage pur et simple pour façonner une musique dont la tension quasi permanente fait de Havilah un disque de folk rock absolument passionnant. Transcendé par une section rythmique massive et un chant habité, Havilah ne s'offre que quelques moments de répit bienvenus, à l'image d'un titre comme « The Drifting Housewife » qui intervient après deux morceaux d'une telle violence mélodique que cette accalmie ne peut qu'améliorer l'expérience auditive.
Véritable montagne russe émotionnelle, Havilah est un album qui, sous des dehors un peu grincheux, se laisse apprivoiser en quelques écoutes à peine. Et bien que ce disque risque de vous hanter pendant de nombreux mois encore, je me prends déjà à rêver que le reste de la discographie du groupe australien atteigne ce niveau de classe et de maîtrise...