Gyre
Piloot
Piloot ne s’est jamais vraiment soucié des contraintes. Que ce soit sur la forme (ce nouvel album sort uniquement sur cassette et en version digitale) ou sur le fond, le trio belge ne cesse de repousser les murs et donne à sa musique suffisamment d’espace pour pleinement s’exprimer.
Avec Gyre, second volet d’un diptyque entamé l’année dernière avec Recuerda Tu Futuro, déjà paru sur le label espagnol Mascarpone Discos, on embarque pour un enchaînement de cinq pistes instrumentales qui ne répondent à aucun canevas stylistique clairement identifiable. D’une base somme toute assez classique (batterie, contrebasse, flûte), Piloot s’aventure rapidement sur des terres inhospitalières où l’électronique s’encastre la tête la première dans une partition acoustique. En ressortent des sons tantôt entraînants, tantôt inquiétants.
Jamais pourtant l’exercice ne sombre dans la démonstration pédante. En jouant sur la répétition et l’enchevêtrement des textures, l’album parvient à créer une réelle dynamique à situer quelque part entre les expérimentations krautrock allemandes des années 70, un free jazz minimaliste et un drone spatial bien dans l’air du temps. En ce sens, Gyre évoque par moments le fabuleux duo italo-britannique Tomaga, les errances narratives des Français de Saåad ou même le post-rock primitif des Londoniens de Rothko. A priori peu accessible, cet album mutant se laisse néanmoins apprivoiser sans exiger d’effort surhumain. Se révèlent alors toute l’élégance et la subtilité d’une musique qui n’incite à rien d’autre qu’à fermer les yeux et suspendre le temps.