Gulag Orkestar
Beirut
Oubliez tout ce que vous savez du rock surimprégné d'ambiances balkanisées et gitanisées. Oubliez les délires un tantinet exaspérants de Gogol Bordello ou de Barbez et imaginez plutôt ce qui se serait passé si Emir Kusturica avait demandé à Jeff Mangum de lui écrire la bande originale de son prochain film. Il y a fort à parier que l'ami Emir aurait eu toutes les peines du monde à retrouver le gourou de Neutral Milk Hotel tant celui-ci se fait rare depuis quelques années. Et quand bien même il aurait retrouvé sa trace, on est en droit de penser qu'il aurait accouché de quelque chose ressemblant de près ou de loin à ce Gulag Orkestar dont on parle avec insistance depuis quelques mois déjà.
Délicieux OVNI musical, Gulag orkestar, sous ses airs de fanfare squelettique, est le projet d'un seul et même homme à la maturité épatante: Zach Condon, natif d'Albuquerque aujourd'hui basé à Brooklyn, n'a que 19 ans mais tout porte à croire sur ce disque qu'il a passé les dix dernières années de sa vie à écumer les troquets enfumés de Serbie et les fêtes de village de Bosnie-Herzégovine afin d'accoucher de cette pop mutante et savamment orchestrée. Car Gulag Orkestar n'est pas une ballade dans les verts pâturages de la pop traditionnelle mais une longue randonnée à travers ses reliefs les plus ardus. De cette expédition éprouvante en ressort une voix puissante, chargée en émotions et capable de bien des acrobaties. Il en ressort également des mélodies aussi dépouillées que touchantes, rehaussées de notes de trompette, d'accordéon ou de clarinette et empreintes de cette mélancolie typiquement tzigane. Epatants de simplicité et de clairvoyance, les onze titres de ce premier album ne peuvent clairement laisser indifférents.
Musique vagabonde à la beauté intrigante, Gulag Orkestar est une galette pleine d'assurance (on n'a même pas peur de flirter avec l'électro sur deux titres), une invitation au voyage, un mélange savoureux de folk et de folklore et surtout un début de carrière… en fanfare.